Path: ...!npeer.as286.net!npeer-ng0.as286.net!weretis.net!feeder8.news.weretis.net!proxad.net!feeder1-2.proxad.net!cleanfeed3-a.proxad.net!nnrp1-2.free.fr!not-for-mail Subject: =?ISO-8859-15?Q?=C7a_continue...?= From: MELMOTH Newsgroups: fr.rec.arts.musique.classique Organization: MELMOTH X-Newsreader: MesNews/1.08.06.00 Date: Sun, 15 May 2022 14:51:23 +0200 MIME-Version: 1.0 Reply-To: theomonk@free.fr X-Plugin-copyright: 2003-AS X-Plugin-EXIF: http://www.chasta.com/fr/plugin.htm et http://chasta971.free.fr X-Plugin-info: plugin-XFace X-Plugin-version: 0.1 Content-Type: text/plain; charset="iso-8859-15"; format=flowed Content-Transfer-Encoding: 8bit Lines: 411 Message-ID: <6280f74b$0$18715$426a74cc@news.free.fr> NNTP-Posting-Date: 15 May 2022 14:51:24 CEST NNTP-Posting-Host: 90.32.253.144 X-Trace: 1652619084 news-3.free.fr 18715 90.32.253.144:6240 X-Complaints-To: abuse@proxad.net Bytes: 26446 Le 28 avril 1965, Hermann Scherchen écrivait à sa femme Pia Andronescu : /Ce soir, j'ai répété MON Art de la Fugue que je porte en moi depuis 36 années déjà et qui me rend chaque fois plus heureux/. (NB : Scherchen répète son orchestration qu'il donnera en première mondiale au /Théâtre Apollo/ de Lugano le vendredi 14 mai). Pour Scherchen, la "quasi" dernière oeuvre inachevée de Bach aura été une oeuvre-phare de toute son activité musicale, à un degré tel que, après avoir joué les instrumentations de Graeser et Vuataz, il aura ressenti le besoin d'écrire la sienne propre et de la donner en concert durant les quelques mois qui lui restaient à vivre. L'/Art de la Fugue/ est certainement le couronnement des oeuvres didactiques qui ont jalonné la vie de JSB (/Clavier bien tempéré, Offrande Musicale, Variations Goldberg/). Cette oeuvre n'a été écrite pour aucun instrument particulier, Bach ne s'étant pas arrêté aux timbres musicaux mais s'étant occupé d'explorer toutes les posssibilités contrapuntiques d'un thème unique. L'/Art de la Fugue/ se présente sous la forme d'un court thème de 4 mesures et témoigne de la science la plus grande, de l'invention la plus géniale et de la liberté la plus totale, utilisant tous les procédés de l'écriture fuguée. (Selon le musicologue Jacques Chailley, elle devait contenir 24 fugues réparties en 6 groupes de 4, ou plutôt de deux paires chacun, chaque paire comportant une fugue commencçant par les notes /ré-la-fa/ et une fugue à sujet inverse commençant par /la-ré-fa/. L'/Art de la Fugue/ n'ayant été écrit pour aucun instrument, il reste à déterminer la part des instrumentateurs de cette partition, qui sont légion. Au disque, la première version en date fut celle du quatuor Roth. Suivit la gravure berlinoise de Hermann Diener. Quant aus recherches de sonorités, nous les trouvons dans les versions des organistes : historiquement, les deux premières furent réalisées par l'américain Power-Biggs et l'allemand Fritz Heitmann. Ces versions trouvèrent leur apogée dans l'interprétation épurée que l'organiste aveugle Helmut Walcha réalisa en septembre 1956 sur le magnifique orgue Schnitger d'Alkmaar. La partition ayant été éditée sans instrumentation, le mérite revint à Wolfgang Graeser de faire paraître en 1924 l'édition révisée de cette oeuvre oubliée, qui allait ainsi marquer le "retour de Bach". La partition fut créée à Leipzig par le Kantor Karl Straube, le 27 juin 1927. 178 ans après sa composition, l'oeuvre recevait sa première exécution ! On peut supposer que Scherchen, qui dirigeait à cette époque les concerts de l'orchestre Grotrian-Steinweg de Leipzig assista à cette audition car, dès le 19/2/1928, il la joua à Winterthur. Tout de suite, cette oeuvre occupe une place importante dans ses programmes ; il la redonne le 25 mars à Zürich, deux fois en avril à Genève et Lausanne avec l'Orchestre de la Suisse Romande, le 24 avril à Franfurt etc. La presse suisse rendit compte dans les termes suivants du concert de Winterthur : /Le Musikkolegium de Winterthur ne se contenta pas de limiter la dernière et imposante oeuvre de Bach, l'Art de la Fugue, à un concert : conscient de sa responsabilité, il fit tous les efforts pour assurer une réception digne de la grandeur culturelle de Bach. Bien que les solistes, l'orchestre municipal et le Kappelmeister Hermann Scherchen firent de leur mieux, quelque chose aurait manqué à cette célébration de Bach si le désir du public de venir à la rencontre du prophète de Bach, W.Graeser, n'avait pas été satisfait. Ainsi, ce dimanche matin fut très proche d'une fête religieuse. Seul l'objet de la célébration en fit autrement/ [...] /Graeser introduit l'oeuvre : le compositeur nous a laissé son testament musical, conscient de se placer totalement en dehors de son temps avec une oeuvre qui, par son écriture secrète, était pratiquement codée et il fallut tout l'effort des musicologues pour la déchiffrer? L'Histoire de l'Art de la Fugue est importante : elle part d'improvisations que Bach faisait sur l'orgue à l'occasion de visites de ses collègues qui demandaient à l'écouter à l'orgue de la Thomaskirche. Il élaborait ensuite ces fantaisies chez lui, à la maison. L'oeuvre exécutée n'eut pas de fin. Reste une grande quadruple fugue inachevée dont le quatrième thème devait contenir les notes correspondant à son nom B-A-C-H. Au lieu de sa fin, le Maître désormais aveugle dicta à son beau-fils le choral "Vor deinem Throntret" comme final de l'ensemble, ce qui naturellement eut une influence insoupçonnée comme le montre l'exécution. [...]. L'orchestration de Graeser fut rapidement trouvée pompeuse, trop "romantique" en raison de son côté grandiose et la disposition adoptée ne trouva plus l'accord de tous. L'état de la question exigeait donc de nouvelles recherches approfondies. C'est alors que le compositeur, organiste, maître de choeur, musicologue et ingénieur du son suisse Roger Vuataz écrivit sa propre orchestration de l'Art de la Fugue, que Scherchen créa lors d'un concert donné en l'Église de Winterthur, le 10 août 1941. Celle-ci était confiée à trois orchestres à cordes regroupant 26 cordes, flûte, hautbois, cor anglais, clavecin et deux bassons. C'est cette instrumentation que Scherchen donnera en concert et enregistrera au disue pour /Decca/ en 1949 - 78 tours originaux K 28232/28242, réédités en microsillons LXT 2503/2505. Vuataz écrivit le 26 octobre 1943, à propos de son orchestration : /Dans la version que j'ai écrite pour orchestre de chambre, disposé comme un orgue à 4 claviers, je n'ai pas voulu oublier - au point de vue technique - que l'orchestration de Bach lui-même s'inspire directement de la registration de l'orgue et, au point de vue spirituel, que le célèbre Cantor a construit sa foi personnelle sur les Évangiles. Ceci n'est pas en dehors de la question. Ce fait signifie que sa pensée se passe complètement du décor dont on entoure d'habitude les manifestations du sentiment religieux et l'on voit à chaque page de son oeuvre entier que la vérité et l'austérité de la discipline réformée furent le premier article de son credo artistique./ /J'ai donc pris ces pièces de polyphonie incomparable comme des récits ou des paraboles évangéliques ; je me suis contenté d'en faire, pour ainsi dire, une lecture à haute voix, répartissant les éléments du texte entre des voix dialoguantes. Il ne m'était pas possible d'en tirer une pièce de théâtre où les acteurs, par le seul fait qu'ils auraient été en chair et en os, se seraient permis d'ajouter à l'action les gestes complémentaires que leur psychologie individuelle pourrait justifier. Tout est donc dépouillé, aride, austère. Mais comme l'être humain arrive à dégager les forces vives de l'esprit qui est en lui, l'Art de la Fugue, sous cette forme, s'élève au plus pur parvis de l'Art musical/. S'il fallait recenser tous les concerts où Scherchen dirigea cette oeuvre, nous aboutirions certainement à un chiffre impressionnant, car il a joué l'Art de la Fugue dans tous les pays où il fut invité et jusqu'en Palestine et en Amérique du Sud. Les /Dernières Nouvelles d'Alsace/ rendirent ainsi compte, le 5 décembre 1934, d'une exécution de l'oeuvre par Scherchen à Strasbourg : «Scherchen a rétabli la véritable interprétation, et dieu sait si elle est souvent altérée par l'ignorenca, la nonchalance ou la convention. C'est pourquoi Mr. Scherchen a soulevé la force créatrice de cet art, où la beauté, l'équilibre, la noblesse se réunissent en une idéale conjonction. Hermann Scherchen n'a pas seuleemnt pénétré dans l'Art de la Fugue avec un esprit neuf et moderne, il l'a porté vers les régions les plus élevées du sentiment et de la Pensée. Sous l'empire de cette musique et avec une interprétation aussi empreinte de ferveur et de certitude que celle de M. Scherchen, l'Art de la Fugue prit son vrai sens. C'est pourquoi nous sommes particulièrement reconnaissants à Mr Scherchen de nous avoir rendu le Bach plein de vie et d'éternelle jeunesse que nous aimons par-dessus tout !» Scherchen trouva certainement l'instrumentation de Vuataz peu satisfaisante et conforme à sa propre vision de l'oeuvre, qu'il orchestra lui-même. Il s'est d'ailleurs longuement exprimé à ce sujet, soit dans des textes, soit dans des émissions radiophoniques. Ainsi, le lendemain de la création de son orchestration, le samedi 15 mai 1965, Scherchen écrivit dans son agenda : «L'Art de la Fugue : un événement historique dans l'histoire du concert» ; et à la suite de l'exécution de Bonn, il avait noté dans son cahier que *avec cette oeuvre commence la véritable existence de la Musique*. (Pour Scherchen, Bach n'est d'ailleurs, comme il l'a écrit, qu'/une fenêtre ouverte sur Schoenberg/.) D'autre part paraît en 1946 à Zürich son livre "vom Wesen der Musik" (De l'Essence de la Musique). L'un des trois chapitres est consacré à Bach sous le titre : /Le secret de la création artistique/ , et une grande partie de l'analyse musicale concerne l'Art de la Fugue. Lors de la répétition parisienne par la Télévision française en mars 1966, Scherchen a donné la "clé" de l'Art de la Fugue : «Le sens de la fugue, c'est comme si quatre personnes discutent de la même chose. La première dit : "ah, la vie est très difficile" ; la deuxième dit : "la vie n'est pas si difficile" ; la troisième ajoute : "c'est plus que difficile, c'est terrible" ; et la quatrième : "alors, que faisons-nous avec la vie ?". Lorsque le contrepoint commence, on commence à penser en écoutant ce que dit l'autre». Scherchen avait déjà écrit un texte en préambule au concet donné à Zürich le 12 mars 1935 : «Confronté à l'Art de la Fugue, il faut tout d'abord se poser la question suivante : pour l'auditeur d'un concert, quelle importance présente une oeuvre qui est considérée par les connaisseurs comme étant le sommet de la musique et de la pédagogie de la composition ? L'auditeur a l'habitude de considérer comme échelles de valeur les émotions suscitées par une oeuvre, le plaisir esthétique procuré par un concert. Il a raison, ce sont des réactions propres à lui-même quid émontrent l'effet de l'oeuvre et ce n'est qu'une question de degré d'évolution de l'auditeur, jusqu'à quel point il reste renfermé dans un état d'excitation pur et simple ou bien si, en écoutant une oeuvre, vient s'ajouter aussi au plaisir la beauté de sa forme, enrichie du plaisir procuré par la connaissance des lois de la composition et des éléments musicaux qui sont à sa source. ========== REMAINDER OF ARTICLE TRUNCATED ==========