Path: ...!news.mixmin.net!proxad.net!feeder1-2.proxad.net!cleanfeed1-b.proxad.net!nnrp5-1.free.fr!not-for-mail Subject: Re: L ' Aziza From: MELMOTH References: <6296494d$0$18730$426a74cc@news.free.fr> <62a8c082$0$2981$426a74cc@news.free.fr> Newsgroups: fr.rec.arts.musique.jazz Organization: MELMOTH X-Newsreader: MesNews/1.08.06.00 Date: Tue, 21 Jun 2022 17:16:52 +0200 MIME-Version: 1.0 Reply-To: theomonk@free.fr X-Plugin-copyright: 2003-AS X-Plugin-EXIF: http://www.chasta.com/fr/plugin.htm et http://chasta971.free.fr X-Plugin-info: plugin-XFace X-Plugin-version: 0.1 Content-Type: text/plain; charset="iso-8859-15"; format=flowed Content-Transfer-Encoding: 8bit Lines: 575 Message-ID: <62b1e0e4$0$24815$426a74cc@news.free.fr> NNTP-Posting-Date: 21 Jun 2022 17:16:53 CEST NNTP-Posting-Host: 90.32.250.40 X-Trace: 1655824613 news-1.free.fr 24815 90.32.250.40:3594 X-Complaints-To: abuse@proxad.net Bytes: 35283 Dans son message précédent, Olivier Miakinen a écrit : > Tu sembles avoir un intérêt particulier pour le jazz. Est-ce que tu > ne pourrais pas du coup tenter de faire un peu vivre ce groupe, en > partageant d'autres découvertes que cette excellente Aziza ? Vu l'état de moribonderie profonde des forums musique (classique et jazz), Je M'en vas vous raconter (en plusieurs épisodes) l'extraordinaire histoire du BEBOP... Philippe Carles disait :«BeBop : onomatopée dérivée d'une figure de batterie servant à désigner un style musical né vers 1944 à New York.» À l'endroit de ce terme, "le bebop", on a bien aussi parlé de ce genre vocal mis en honneur après 1925 par Louis ARMSTRONG, le SCAT. D'ailleurs, ce terme figurait déjà dans quelques vieilles cires de la fin des années 1920, du début des années 1930 (Four or five times par les McKinney's Cotton Pickers...Ou bien I'see a mugin, par Stuff SMITH, Mezz MEZZROW et le Quintette du Hot Club de France)... Quant à elle, la définition ci-dessus, qui possède le mérite de la concision, nous mène sans trop en avoir l'air, comme en toute innocence, à l'orée d'un monde nouveau (mais pas d'un "autre monde"). Un nouveau monde aux forts parfums, ironiques, désespérés, parfois vénéneux, concoctés lentement et sûrement par les vieilles taupes conjuguées de la révolte en marche et de la nécessité intrinsèque au jazz lui-même...Un nouveau monde issu d'un ancien qui, près de 40 ans plus tard, ne semblera pas avoir pris la moindre ride, parce que heureusement, la révolte est toujours là !...La nécessité aussi !... ÉVOLUTION - RÉVOLUTION Pour beaucoup révolution pure et dure (lesquels n'avaient assurément pas tort !), le bop représenta pour d'autres (et parfois c'étaient les mêmes !), le résultat d'une évolution interne du jazz, elle-même déterminée pour une bonne part par les contextes sociaux, politiques et historiques dans lequel celui-ci se développait. Ainsi (un exemple), Boris VIAN (pour qui le bop était une réalité mouvante et multiforme), put-il, dans l'une de ses nombreuses "revues de presse" (n'oublions pas qu'il était aussi journaliste au magazine "Jazz Hot entre autres), à l'endroit d'un adversaire du bop aussi obtus qu'irréductible, et qui prétendait que «il est impossible qu'une évolution soit soudaine et rompe brûtalement avec le passé, comme ça été le cas avec le bop», répondre : «C'est manifestement faux ; on sait bien qu'on trouve rigoureusement tous les intermédiaires entre King OLIVER et Dizzie GILLESPIE, pour ne citer que ces deux-là, ou même entre Buddy BOLDEN et Miles DAVIS.» Évolution ?...Révolution ?...Deux points de vue apparemment inconciliables, mais en fin de compte complémentaires. Le bebop, de toute évidence, n'a pas surgi ex-nihilo !...N'a pas fondu comme un virus sur les pauvres "vrais jazzmen" !...Ainsi qu'a tendu à le faire croire, voici une trentaine d'années, la métaphysique malsaine imaginée par des adversaires acharnés...Pour qui le noir était toujours un bon noir...À condition qu'il ne sorte pas des pauvres schémas douillets dans lesquels on l'avait une fois pour toutes emprisonné... Pour eux, un ouvrier est toujours un "bon ouvrier", n'est-ce pas...Du moment qu'il n'est ni gréviste ni syndiqué !...Le bop est donc le fruit mûr et juteux d'un certain nombre de découvertes antérieures (qui ne furent du reste pas toujours appréhendées comme des découvertes en leur temps et demeurèrent éparses et embryonnaires). Et cependant le bebop, aussi, marqua une sorte de franche cassure, affirmée et révendiquée par ses inventeurs... Là chère Philosophie, dans son infinie sagesse (!), a longtemps enseigné que la liberté sortait toujours de la nécessité (ça, ce n'est pas de Moi !)...Que celle-ci ne se concevait jamais que dans son rapport à celle-là....Liberté en actes, le bop ne peut exister que dans la reprise, la compréhension de ce qui l'a précédé, et son dépassement. Si on préfère, le bebop est une musique libre, révolutionnaire, parcequ'il est la /résultante d'un long cheminement, de toute une tradition qu'il assume et réalise en dépassant cette putain de Philosophie. Simple question d'éclairage, voilà tout. VIAN - toujours lui - attaché à affirmer l'existence des maillons intermédiaires, pouvait sans se contredire se moquer de la conception linéaire de l'évolution !... [Fin du premier épisode, Mes gueux (Victor®)]... «...Saluons le chorus de GILLESPIE dans Algo Bueno : il tient, par la filière habituelle, du neveu de Pépin-le-Bref qui l'avait retrouvé sur une fresque étrusqueimportée 8000 ans avant l'Ère chrétienne par l'Empereur du Mexique à la demande de sa grand-mère qui se souveneait de l'avoir entendu etc..»... Issu d'une tradition, venant naturellement s'inscrire dans la logique de cette dernière, le bebop est simple évolution. Mais conscient qu'il est de son existence, affirmant celle-ci farouchement, conscient de ne pouvoir être réduit à l'un des éléments hérités ou même à la somme de ceux-ci, le bebop, par l'acte libre de volonté de ses créateurs à se proclamer autre (acte sans cesse réaffirmé, aussi bien dans la musique elle-même que dans xhaque circonstance de la vie - acte visant donc, non seulement à remettre en cause une simple forme ou une esthétique, mais également les fondements même de la société qui les a engendrées), le bebop est révolution. Les réactionnaires qui ne l'aimaient pas, au fond, n'avaient pas tort : ce n'est pas seulement une musique qu'ils prétendaient apprécier que le bebop remettait en cause...C'est eux-même !... REPÈRES ÉVENTUELS Le jazz, dès ses débuts, fut une sorte d'éthique. Le bebop, nouvelle étape de ce même jazz aux heures troubles de l'immédiat après-guerre se fixa pour but, non de le remplacer par la sienne propre, mais de la reprendre en main, de la réactiver, de la redéfinir et de la préciser...Les boppers sont bien les héritiers du jazz, mais ils ne sont plus tout à fait comme leurs aînés...Nombre des anciens, cependant, avant eux, avaient commencé la campagne de salubrité que les successeurs reprendront sur une vaste échelle. Jean Louis GINIBRE disait : «On pouvait croire (dans les années 30) la musique négro-américaine sortie du ghetto. En fait, cette situation était le produit d'un authentique malentendu. C'est dans la mesure où le grand public le confondait avec autre chose que le jazz avait droit de cité. Autant dire qu'au sein de la société américaine, il n'était qu'un h^te clandestin. Par ailleurs, un nombre croissant de musiciens s'inquiétait de voir le jazz se laisser prendre au jeu de sa nouvelle respectabilité et s'embourgeoiser». Les découvertes, le plus souvent isolées, des grands et petits maîtres, si elles suscitaient déjà l'enthousiasme, l'admiration de très jeunes "Turcs", ne sollicitaient que modérément le public (quelques amateurs et critiques chevronnés exceptés). Néanmoins, peu à peu, un courant se créa, d'abord souterrain puis à l'air libre, qui se mit à redéfinir les règles du jeu...à repousser les limites...à intégrer dans son discours en cours de constitition les diverses découvertes, leur conférant ainsi leur sens et leur cohérence... Bon...La suite plus tard...Pas sûr d'ailleurs que vous suivez tous, là...Est-ce que vous Me lisez seulement ?!... Jeposelaquestion©... À la suite des gravures de ces précurseurs (il y en eut d'ailleurs bien d'autres !), il faudrait se pencher en particulier sur quelques uns des premiers enregistrements de Mon Pote GILLESPIE, l'un des chefs de file du mouvement : King Porter Stomp, son premier solo, enregistré en 1937, dans l'orchestre de Teddy HILL, et When Lights are low, une des cires les plus illustres réalisées par un des nombreux petits groupes que réunissait alors pour le studio Lionel HAMPTON. Outre Dizzy, celui-ci comptait trois ténors : HAWKINS, WEBSTER et BERRY (excusez du peu !), et Benny CARTER à l'alto, avec Charlie CHRITIAN à la guitare...Pfffttt...Le rêve, quoi !... Tout ceci naturellement afin de mesurer la distance entre l'"avant" et l'"après", afin de marquer le passage...Car il faut encore et toujours préciser que, loin de rejeter ces dangereux iconoclastes complètement dingos, très nombreux furens les "grands" du jazz "classique" à les nourrir dans leur sein et à les accepter dans leurs formations respectives !... Ainsi, deux des maîtres de Kansas City, Harlan LEONARD (qui se souvient encore de lui...Jeposelaquestion©) et Count BASIE (là, Jeneposepluslaquestion©), demandèrent-ils au jeune pianiste et arrangeur Tad DAMERON d'orchestrer pour eux quelques thèmes (par ex. Good Bait, Dameron Stomp). Quant à Jess STONE...Andy KIRK...ELLINGTON...Cootie WILLIAMS...HAWKINS...Benny CARTER...ARMSTRONG...Earl HINES...Billy ECKSTINE...Cab CALLOWAY...Benny GOODMAN...Fletcher HENDERSON...Pour ne citer qu'eux, ils virent, de 1935 à 1945, défiler chez eux la fine fleur du jazz à venir !... Avec Lester YOUNG comme figure de proue incontestable...Avec à sa tête le génie d'un Charlie PARKER, originaire lui aussi de Kansas city, il est évident que le mouvement bop ne pouvait manquer de devoir énormément à la musique si particulière pratiquée dans cette ville - une musique qui donnait au blues et aux "riffs", ces petites phrases mélodico-rythmiques génératrices d'abord de swing destinées à accompagner le soliste, mais qui ensuite furent jouées pour elles-mêmes, leur importance optimale. Pourtant, ce fut bien à New-York (et plus précisément à Harlem, ça va de soi) que tout s'élabora réellement. Dans des tas de petites boîtes bien cachées, totalement inconnues des hommes du jour et de la rue, mais célébrissimes par et pour les musicos, appréciées de quelques rares initiés (Ah !...La célèbre et mythique comtesse *Pannonica de Koenigswarter *, chre qui en particulier Thelonius et Charlie finirent leur triste carrière)...Nuit après nuit...le travail "régulier" terminé, les gens du renouveau se rencontrèrent, se reconnurent, se trouvèrent...et trouvèrent !... Les deux moins oubliés de ces laboratoires furent le MONROE's Uptown House et le MINTON's Playhouse, dont le gérant n'était autre que Teddy HILL, l'ancien employeur de GILLESPIE... C'est dans un de ces hauts lieux que fut enregistré sur un sale et ========== REMAINDER OF ARTICLE TRUNCATED ==========