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<lihebuFfe0dU1@mid.individual.net>

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From: Buk <bl@bl.co>
Newsgroups: fr.soc.politique
Subject: Vers le grand krach de l'Occident
Date: Mon, 19 Aug 2024 19:40:10 +0200
Lines: 178
Message-ID: <lihebuFfe0dU1@mid.individual.net>
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Si on y va doucement, si on y va vite, on ne le sait pas encore mais on 
y va inéluctablement, vers le grand krach du capital, et de l’Empire 
occidental, auto-financé, auto-informé, encore riche et puissant, 
autant qu’il est sourd et aveugle.

Le capital a perdu le contact avec le monde réel de l’économie par le 
recours à l’émission monétaire incontrôlée sans frein et sans limite, 
essentiellement pour fabriquer des armes et gonfler les cours des 
actions des milliardaires ! Les cours de la bourse montaient quand la 
pandémie du Covid 19 s’aggravait, s’affaissaient aux bonnes nouvelles 
qui auraient pu ralentir la planche à billets !

Le capital a perdu le contact avec le monde social en croyant pouvoir 
jeter des régions et des pays entiers dans la violence, la misère et la 
précarité, tout en accumulant des fortunes indécentes chez les 
super-riches en pleine pandémie sans craindre aucune réaction des 
masses !

Le capital a perdu le contact avec le monde réel de la politique par 
l’émission de post-vérités qui reviennent en boucle dans ses capteurs 
et qui l’empêchent d’analyser froidement les situations, ses 
représentants croient dans une large mesure eux-mêmes en son grand 
récit libertaire et démocratique, et il s’est affaibli militairement 
par la volonté démesurée d’assurer la police et le contrôle politique 
partout dans le monde, effort dément qui a aminci jusqu’à la trame et 
déstructuré ses forces armées.

Il lui reste encore pour peu de temps une suprématie relative dans ce 
domaine et une hégémonie diplomatique en trompe l’œil : mais l’appui 
verbal qu’il reçoit de ses clients outremer n’est pas sincère car il 
est largement subventionné et corrompu, et qu’importe que le budget 
militaire occidental soit dix fois celui de la Chine, si chaque soldat 
occidental coûte dix fois plus qu’un soldat chinois - ou russe-  en 
parité de pouvoir d’achat, et que la moitié de cet argent disparaît en 
dessous de tables?

Le krach en cours est aussi idéologique. Depuis la fin du XIXème siècle 
des courants réactionnaires variés contestent le progrès et la science, 
du cœur des universités de l’Occident qui les avaient inventées, en 
prenant diverses formes, parfois réactionnaires, chez Heidegger, ou 
prétendument révolutionnaires chez Foucault. Le résultat, c’est que le 
monde occidental s’est auto-intoxiqué de ses propres discours 
métaphoriques, incohérents et éclectiques sans prise avec le réel, car 
ils avaient pour fin de nier qu’il y ait même un réel ou une nature, et 
la science et le progrès faute d'avoir un objet en Occident ont migré 
vers d’autres rives.

Alors nous sommes entrés nous autres occidentaux dans l’ère de la 
post-vérité ! La post vérité aujourd’hui s’étale partout et tourne en 
boucle, toujours indiscutable : « l'Ukraine est une démocratie, Poutine 
est un dictateur, Maduro est un dictateur, Poutine a empoisonné 
Navalny, il y a un génocide au Xinjiang, Assad a gazé son peuple, 
Assange est un violeur, les Russes manipulent les élections 
américaines, les Chinois volent la technologie et cachent la vérité sur 
le Covid, Cuba est un État failli, les Cubains, les Russes et les 
Chinois bombardent nos diplomates avec des ultrasons (qu’ils ont sans 
doute volés au professeur Tournesol!) ». Et la guerre en Ukraine a 
permis de faire preuve d'une créativité inouïe : les Russes se 
bombardent eux-mêmes dans la centrale de Zaporojie, et ils font sauter 
leur propre gazoduc.

La post-vérité, c’est aussi les vérités connues qui ne font aucun 
scandale en Occident, celles des blocus de Cuba, du Venezuela, de 
Syrie, du Yémen, du retour de l'esclavage en Libye, des nazis en 
Ukraine, des massacres d’Ayotzinapa ou d’Odessa, de Colombie ou du 
Cachemire, et encore et toujours à Gaza.

Au passage, le capital et ses ayant-droits par incompétence 
structurelle ont ruiné les fondements juridiques de leur domination et 
ébranlé les États qui assuraient leur sécurité : extension délirante 
des droits de propriété intellectuelle, lawfare et instrumentalisation 
politique de la justice, extraterritorialité de la justice américaine 
et européenne, disparition des délais de prescription, droit 
international bafoué, arbitraire total des sanctions internationales, 
droit humanitaire à géométrie variable, indépendance de la justice qui 
n'est même plus respectée en parole, confusion des trois pouvoirs, le 
désordre et l'insécurité juridique sont maintenant partout.

Pourquoi a-t-elle été permise et encouragée, cette involution 
culturelle si périlleuse à long terme pour la domination 
post-colombienne de toute la planète par les européens et leurs 
descendants, qui marchait si bien depuis si longtemps ? parce que le 
développement rationnel des forces productives engage de manière de 
plus en plus massive notre monde sur la route qui mène du capitalisme 
au socialisme, et les clercs qui produisent la culture et la politique 
refusent absolument de prendre ce chemin et produisent depuis un siècle 
des monstres pour conjurer ce cauchemar : fascisme, impérialisme, 
racisme, guerres mondiales, guerre nucléaire, individualisme de masse, 
terrorisme, culture post-moderne, génocides, décroissance, 
transhumanisme, transformation du monde en déchet, etc.

On ne peut prévoir avec précision le moment de l’effondrement de notre 
monde, qu’on nous a appris à considérer comme le seul possible, et le 
meilleur possible, qui s’approche à grand pas, mais on peut prévoir 
l’effondrement lui-même, et on peut prévoir aussi que dès qu’il 
s’enclenchera, il va se propager très vite comme des dominos qui 
tombent en cascade. Comme ce sont tout d’un coup effondrés le Sud 
Viet-Nam en 1975, et l’Afghanistan en août 2021. On se réveillera un 
matin, et ce ne sera déjà plus du tout le même paysage!

Il en est des prévisions dans ce domaine comme de celles des séismes. 
On sait qu’ils auront lieu, on sait même où exactement ils se 
produiront et quels seront leurs effets dramatiques, mais on ne sait 
pas si cela sera dans un jour ou dans un siècle. Mais déjà la guerre en 
Ukraine, affrontement soigneusement préparé pourtant précisément pour 
enrayer ce processus, contre la Russie, indirectement contre la Chine, 
évolue en un antagonisme entre l'Occident et le reste du monde, où le 
premier est de plus en plus isolé.

Par ruse dialectique ce sont précisément les efforts intempestifs et 
les conduites agressives pour empêcher l’effondrement occidental qui 
contribueront à le déclencher. Ces efforts qui ont déjà enrayé la 
mondialisation, aiguisé les contradictions internes à l’intérieur du 
bloc euro-atlantique, qu’on révélées le Brexit, ils ont tissé 
l’alliance défensive de plus en plus solide Russie - Chine - Iran et 
ils ont fait refleurir le socialisme en Chine.

Et il semble à certains indices que le maillon faible du capitalisme 
aujourd’hui soit sa métropole même, les États-Unis !

Là, puis par imitation partout ailleurs, on a cultivé en serre chaude 
des foules d’individus narcissiques, insatisfaits et paranoïaques, les 
derniers hommes qui sont les produits de quatre générations qui ont été 
élevées et éduquées par le marketing et la publicité.

Les derniers hommes de l’Empire arborent sur leurs pancartes de carton 
« Liberté », slogan qui a le mérite de la simplicité. Vraiment ? La 
liberté c’est de faire absolument tout ce que l’on veut y compris de 
nuire à autrui et à soi-même ? On dirait plutôt la définition même de 
l’aliénation, le comble de la non-liberté.

Ils disent leurs fiertés d’être ce qu’ils sont, c’est à dire rien. Ils 
disent « c’est mon choix » mais qu’est ce que ce moi consommateur qui 
croit avoir choisi librement ? La « société de contrôle » du socialisme 
et la Chine est leur cauchemar ! Ces simples, ils croient qu’il vaut 
mieux être contrôlé par des capitalistes que par l’État !

Et en récompense de leur lucidité, ils auront les deux. La vérité de 
l’individualiste absolu, c’est la toute puissance de l’État, car seul 
l’État peut accorder la protection indispensable à l’individu isolé 
coincé dans son statut d'adolescent attardé.

La liberté se renverse en son contraire : en témoigne la prétendue 
économie du partage, qui est non le partage mais la marchandisation de 
la vie sociale et de la vie intime, la privatisation de l’auto-stop 
comme de la drague. L’horizon de l’individualisme de masse, c’est celui 
de la solitude universelle. Qui finira dans le sauve-qui-peut 
universel.

Classes sociales, nations, familles, groupes de solidarités, toute 
collectivité est maintenant suspecte ou carrément interdite. La liberté 
individuelle post 68 pour tous était parfaitement résumée par Michel 
Clouscard : elle créait un monde où tout était permis, où rien n’était 
possible, et cette ère se termine. Elle se transforme dialectiquement 
aujourd’hui en cet ordre judiciarisé où rien n’est permis du tout, 
celui du maccarthysme global.

Les stars de la première ère sont maintenant les boucs émissaires de la 
fin du spectacle. Les icônes narcissiques des années soixante à 
quatre-vingt-dix et les artistes populaires devenus octogénaires sont 
attachés nus aux poteaux de couleurs, livré à la haine de la meute de 
leurs descendant-e-s criard-e-s et puritain-e-s, et couverts de 
crachats.

Le système politico-médiatique est maintenant entièrement saturé par 
les mouvements aléatoires et l’agitation superficielle de la petite 
bourgeoisie mondialisée, déconnectée de la réalité matérielle, et il ne 
peut plus accomplir sa fonction de prévention et protéger les pouvoirs 
politiques et économiques du violent retour du réel.

Et lorsque la maison de l’Occident s’écroulera, ils continueront 
peut-être à se disputer sur le sexe des anges dans les rues et parmi 
les ruines.

GQ, 25 août 2021, relu le 15 août 2024

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