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Comment le messianisme juif est-il devenu ath�e�?

Vocabulaire�:

Tikkun�: concept de la kabbale lurianique qui signifie rectification, 
transformation des �mes par la pratique des mitzvoth.
Mitzva, pluriel mitzvoth�: commandement(s) de Dieu.
Kelipa, pluriel kelipoth�: �corce ou prison de l��me � son niveau le 
plus bas, celui de la Nefesh.
Nefesh�: �me�; dans la kabbale lurianique c�est le plus bas niveau de l��me.

Selon le grand historien et penseur juif isra�lien d'origine allemande 
Gershom Scholem, une partie du juda�sme messianiste est devenu ath�e 
apr�s la d�ception et la frustration ressentie quand en 1666 Sabbata� 
Tsevi, qui s��tait proclam� messie et avait entra�n� derri�re lui la 
majorit� des juifs europ�ens, africains ou asiatiques, s�est converti � 
l�islam. C�est ce passage du juda�sme de la kabbale lurianique � 
l�ath�isme que je vais tenter de r�sumer en m�appuyant sur le livre o� 
Gershom Scholem d�crit cette surprenante ��conversion���: Aux origines 
religieuses du juda�sme la�que, sous-titr� De la mystique aux Lumi�res.

Selon Gershom Scholem le passage du juda�sme � l'ath�isme aurait �t� 
initi� par l�un des deux th�ologiens de Sabbata� Tsevi, Abraham Miguel 
Cardoso, l�autre �tant le tr�s fameux Nathan de Gaza.

Comment ce passage s�est-il effectu�?

En d�pit de tous ses d�bordements gnostiques et de sa profusion parfois 
d�lirante la mystique juive ne s'�tait jamais attaqu� � Dieu lui-m�me, 
ni � la pratique du juda�sme. La cabale d'Isaac Luria faisait reposer le 
tikkun - il s'agit de la rectification qui permet la remont�e vers l'Un 
des �tincelles divines prisonni�res des kelipoth (la kelipa joue dans la 
kabbale lurianique le m�me r�le que la mati�re mauvaise qui retient 
prisonni�res les �mes ou parcelles de la divinit� dans le mythe 
manich�en) - sur la pratique des mitzvoth (une mitzva c�est un 
commandement de Dieu). Un kabbaliste lurianique cons�quent se devait 
donc d'�tre un juif exemplaire.

Que s�est-il pass� avec Cardoso�? Une chose v�ritablement inou�e. Vous 
connaissez sans doute la doctrine de l�h�r�siarque Marcion du Pont qui 
affirmait que le Dieu r�v�l� en Isra�l, le Dieu de l�ancienne alliance, 
n�est pas le Dieu de J�sus. Le Dieu de J�sus est le vrai Dieu, le Dieu 
bon qui n�est pas responsable de la cr�ation mat�rielle mais qui envoie 
un sauveur pour racheter les �mes cens�es �tre issues de mani�re 
indirecte de la substance divine. Le Dieu de l�ancien testament est, 
selon les marcionistes, le d�miurge mauvais responsable de la cr�ation 
mat�rielle et du mal. Cette doctrine a �t� vigoureusement combattue par 
les P�res de l��glise au deuxi�me si�cle de notre �re. Et bien de 
mani�re tr�s surprenante Abraham Miguel Cardoso a repris � son compte 
cette doctrine. Dans la kabbale l�Ensof (peut-�tre d�riv� du grec Ena 
Sophia, l�Un-sagesse) d�signe le Dieu transcendant de la bible 
h�bra�que, celui dont le nom est YHWH et que les juifs prononcent par 
respect Adona�. Et bien Cardoso a eu le culot ph�nom�nal de dire et 
d��crire que l�Ensof n�est pas le Dieu des H�breux puis des juifs mais 
la source qui n�est pas responsable de la cr�ation du monde. Le vrai 
Dieu d�Isra�l, celui que la bible nomme YHWH, serait le d�miurge�! 
Cardoso a, sans doute par d�fi, d�pit et ressentiment, repris � son 
compte la doctrine de Marcion, l�un des pires ennemis des juifs�! Selon 
lui le Dieu de J�sus serait l�Ensof donc en aucun cas le Dieu d�Isra�l.

Cardoso, qui en tant que marrane avait �t� catholique avant de retourner 
� la religion juive, ne pouvait pas ignorer que Marcion consid�rait le 
Dieu des juifs comme Satan�!

De mani�re tout aussi surprenante Cardoso affirmait que l�homme peut 
conna�tre le Messie et son Dieu, le d�miurge, par la raison seule�! La 
connaissance humaine, d�riv�e de la raison seule, permet, selon Cardoso, 
de conna�tre l�Absolu, sa volont� et ses moyens�!

On tient ici les cinq fils qui tissent la modernit�:

1. Dieu est rejet� hors du monde de mani�re radicale. Le christianisme, 
le juda�sme et l�islam affirment � la fois la transcendance ontologique 
de Dieu et son immanence, sa pr�sence active dans le monde par sa 
volont�, sa connaissance, sa toute-puissance, ses commandements et sa 
gr�ce. Mais Cardoso rejetait Dieu totalement hors du monde. Ce qui 
revient � dire qu�il n�agit pas dans le monde donc n�existe pas. Le pas 
suivant sera franchi par certains ath�es qui diront que Dieu n�est pas, 
ni hors, ni dans le monde.

2. La raison seule suffit � conna�tre le Dieu qui agit dans le monde, 
son Messie et ses moyens.

3. Ceux qui ont la connaissance fond�e sur la raison seule, les Sachant, 
les Initi�s, jouent un r�le particulier parce qu�ils ont en eux la 
puissance du d�miurge, celui que les marcionistes appelaient le Dieu 
mauvais, le Satan�! Ce sont en fait, collectivement ou individuellement, 
des messies�!

4. Sans �tre dualiste sur le plan ontologique, la structure de la 
m�taphysique de Cardoso est tr�s proche de la m�taphysique du mythe 
manich�en ou du dualisme marcioniste. Il n�y a qu�un pas, franchi par 
certains Initi�s, pour faire du Dieu des chr�tiens, des juifs 
traditionalistes et des musulmans le Dieu mauvais aussi bien sur le plan 
ontologique que moral.

5. Il semble que Cardoso n�ait pas �t� lui-m�me antinomiste. Par contre 
l�antinomisme s�est manifest� chez ses �pigones et continuateurs par le 
rejet violent des cultures et civilisations traditionnelles, juives, 
chr�tiennes et musulmanes qui affirmaient � la fois la transcendance et 
l�immanence de Dieu. C�est cet antinomisme qui se manifeste aujourd�hui 
dans la volont� prom�th�enne de ces mondialistes qui cherchent � 
construire une soci�t� totalitaire dont toute transcendance sera bannie, 
une soci�t� de la raison humaine divinis�e.

Cardoso s�est donc attach� � d�truire le juda�sme de l�int�rieur, de 
mani�re raisonn�e, syst�matique et acharn�e. Ses successeurs lointains 
se sont attaqu�s aux autres religions monoth�istes, le christianisme et 
l�islam ainsi qu�aux soci�t�s chr�tiennes et musulmanes.

Bien entendu ni Cardoso, ni les juifs ne sont � l�origine de l�ath�isme 
qui existait d�j� dans l�antiquit� grecque ou romaine.

Un article de encyclopedia.com sur Abraham Miguel Cardoso�:

https://www.encyclopedia.com/religion/encyclopedias-almanacs-transcripts-and-maps/cardozo-cardoso-abraham-miguel