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Path: ...!3.eu.feeder.erje.net!feeder.erje.net!usenet.goja.nl.eu.org!pasdenom.info!.POSTED.49.228.41.158!not-for-mail From: Paul & Mick Victor <b.suisseVotreculotte@gmail.com> Newsgroups: fr.rec.arts.musique.classique Subject: Re: ENFIN !... Date: Sun, 03 Sep 2023 11:17:28 +0700 Organization: <https://pasdenom.info/news.html> Message-ID: <ud11cq$c8u$1@rasp.pasdenom.info> References: <64f13551$0$7779$426a74cc@news.free.fr> <ucrnhl$3l0vs$1@dont-email.me> <ucs7ch$4gc$1@rasp.pasdenom.info> <5bd6eb8f-23c8-438c-9ac1-2dd57c93775cn@googlegroups.com> <64f2f18e$0$2977$426a74cc@news.free.fr> Mime-Version: 1.0 Content-Type: text/plain; charset="iso-8859-15"; format=flowed Content-Transfer-Encoding: 8bit Injection-Date: Sun, 3 Sep 2023 04:17:30 -0000 (UTC) Injection-Info: rasp.pasdenom.info; posting-account="b.suisse@usenet"; posting-host="49.228.41.158"; logging-data="12574"; mail-complaints-to="abuse@pasdenom.info" Cancel-Lock: sha256:pAqQ8h5rM7czwiXlKagismnZY1QY/349+ihSg7gCLW8= X-Newsreader: MesNews/1.08.06.00 Bytes: 16975 Lines: 248 MELMOTH a affrimé, le 02/09/2023, avec une autorité et une confiance en soi qui n'étonnera personne : > J'estime que la Musique est _AVANT TOUT_ du *SON*... Formellement, tu as raison. Aucun doute là-dessus. De même, la Tour Eiffel, c'est _avant tout_ du fer. Une île flottante, c'est _avant tout_ des œufs. Une collection de timbres, c'est _avant tout_ du papier. Et Melmoth, P&MV et tous les autres, c'est _avant tout_ de l'eau (65% du corps, c'est-à-dire environ 45 litres pour une personne de 70 kilos). Réfléchissons : qu'est-ce qui est aussi, _avant tout_, du son ? La parole, bien sûr. Quelqu'un qui parle produit avant tout du son (je ne fais pas de distinction entre "bruit" et "son", j'appelle ici "son" toute vibration, qu'elle soit périodique ou non, perceptible par une oreille). C'est grâce à ce son, émis par un larynx, véhiculé par un milieu ambiant et perçu par les oreilles, que nous pouvons entendre notre chère et tendre épouse nous dire : "T'es qu'un minable ! J'aurais bien dû écouter ma mère !" Et c'est encore grâce au son que nous pouvons répondre - mezzo voce : "Retourne-z-y donc, chez ta mère, hé, morue !" La parole est du son, c'est incontestable, pourtant personne ne jugerait indispensable d'avoir des enceintes à 250.000 euros pour écouter un podcast d'Europe 1. Pourquoi ? Parce que ce n'est pas la qualité du son qui importe d'abord ici, c'est le message. Les ondes sonores qui font vibrer nos tympans sont décodées par notre cerveau et transformées, traduites en signification. De la même façon que la pipe de Magritte n'est pas une pipe, mais la représentation visuelle d'une pipe, la sonorité du mot cigare n'est pas un cigare, mais une représentation sonore d'un cigare. C'est enfoncer une porte ouverte que de dire que si l'on entend avec ses oreilles, on écoute avec son cerveau. Pourquoi nous contentons-nous d'une boîte de conserve à 3 balles pour écouter les infos ou la météo ? Parce que notre cerveau est, depuis ses premières minutes, entraîné à décoder la parole, et que nous savons bien que le plus important n'est pas l'accent de l'orateur, ses intonations, sa hauteur de voix, mais le message qu'il transmet. Et ce message nous est immédiatement compréhensible, parce que, depuis nos premières minutes d'existence, nous avons appris à reconnaître des sonorités, à les associer à des mots, de plus en plus nombreux tout au long de notre vie, nous avons, même inconsciemment, assimilé des règles élémentaires, nous baignons dans le langage depuis notre naissance, nous sommes nous-mêmes langage. Avec le solide bon sens qui le caractérise, Melmoth me répondra que _oui_, j'enfonce des portes ouvertes, et que, _non_, la musique n'est pas la parole. Réfléchissons encore : Il y a des circonstances où mon cerveau est dérouté, désemparé, incapable de décoder le message, c'est lorsque j'écoute un discours dans une langue étrangère que j'ignore totalement. Là, impossible de décoder, je n'ai pas le logiciel, les sons ne se transforment pas en mots, et les mots en images, en signification. J'écoute seulement les intonations, les sonorités. D'une façon générale, je décroche vite, parce que personne ne trouvera grand intérêt à écouter pendant une heure un exposé sur la condition de la femme en Afghanistan en moldo-samovar ou en mandarin (à moins, évidemment, de parler le moldo-samo var ou le mandarin - et bien sûr, de s'intéresser à la condition de la femme en Afghanistan). Ici, le discours n'est pas un langage, c'est une succession de sons dépourvus de sens. Des esprits primaires diront : dans ce cas, on écoute le langage comme une musique, on s'attache seulement à la "musique des mots". C'est une mauvaise image, car la musique n'est pas une succession de sons sans signification. La musique a une logique, un vocabulaire, une grammaire, toute musique est aussi un langage. Les mots chinois que je ne comprends pas ne forment pas une musique. Tout juste, pour mon cerveau qui ignore le mandarin, une succession de sons, sans logique et sans grammaire. Donc, très vite, sans intérêt. Si je bâille en écoutant le discours en mandarin évoqué plus haut, le Chinois, à côté de moi, l'écoutera peut-être avec une grande attention (supposant qu'il s'intéresse à la condition de la femme en Afghanistan), et manifestera son approbation ou son agacement. Mais que se passera-t-il, si je fais écouter une fugue de Bach à ce même Chinois qui n'a jamais quitté la Chine et n'a jamais entendu de musique occidentale ? Il est probable qu'il bâillera. Je ne sais plus dans quel film des Branquignols il y avait ce gag : une délégation de Chinois assistent à un concert de musique classique. Avant le concert, l'orchestre s'accorde, avec la purée sonore habituelle. Et les Chinois applaudissent frénétiquement. La musique est un langage, disais-je. Mais contrairement à la parole, ce n'est pas un langage dans lequel nous baignons depuis notre naissance, un langage vital qu'il est impératif de maîtriser pour s'intégrer à la communauté humaine. J'ai eu la chance d'avoir une mère qui me chantait des chansons (pas toujours très juste, mais elle faisait ce qu'elle pouvait), et qui avait l'excellente idée de me pourvoir abondamment de disques de chansons enfantines. Plus que des disques de divertissement, ce sont là de véritables manuels de vocabulaire et de grammaire musicale, par lequel l'enfant assimile, inconsciemment, les règles de la "musique occidentale", la tonalité, les intervalles, les rythmes, l'harmonie. Je dois énormément aux "Rondes et chansons de France", et autres collections du même tonneau. Et si je suis à même d'apprécier pleinement une suite de Bach ou un concerto de Mozart, c'est sans doute, à l'origine, parce que j'ai été initié, "formaté", dès l'enfance, à Malbrough, au Petit navire ou au Pont du nord. Zoltán Kodály, qui avait bien compris cela, a créé en Hongrie une méthode d'enseignement musical basé sur les chansons folkloriques populaires locales. Nous n'avons pas d'équivalent en France (la méthode Kodály a certes été traduite et adaptée en français, mais assez maladroitement). Je suppose que si un jeune d'aujourd'hui est à même d'apprécier un morceau de techno, de métal-fusion ou de Biggie Pokoe (si, si ! ça existe !), c'est parce qu'il baigne, depuis l'enfance, dans ce genre musical. L'exemple le plus significatif me paraît encore être le jazz, et particulièrement le bop, que j'écoute avec ravissement depuis mon adolescence. Je ressens souvent une intense jouissance intellectuelle lorsque j'entends un solo de Charlie Parker ou de Dizzy Gillespie. Le son n'est pas toujours bon, et parfois même très médiocre, même remastérisé, ce n'est pas le plus important. Je ne cherche pas la qualité du son, mais la qualité du discours. Y a-t-il des musiques intelligentes ? Bernard Pivot disait que s'il avait choisi le 1er concerto de Rachamaninov pour générique de son émission Apostrophes, c'est parce qu'il trouvait cette musique "intelligente". Je considère, pour ma part, que Charlie Parker représente un sommet de l'intelligence musicale, disons plutôt du "discours" musical. Plus que mes oreilles, Parker stimule mes neurones. Et Dieu sait s'ils en ont besoin, les pauvres ! Donc, la musique est un langage, qui a des règles, et qui s'apprend, et celui qui l'ignore se trouve aussi dépourvu devant une œuvre musicale qu'un auditeur devant un discours en langue étrangère. Ce langage, on l'apprend par l'écoute, c'est évident, plus on écoute, plus on apprend, plus on comprend, on l'apprend aussi, plus scolairement, par la théorie, le solfège, l'analyse, le contrepoint, la fugue, l'harmonie, l'écriture, l'esthétique, la composition, la pratique instrumentale. Celui qui atteint le sommet de la science musicale (scolairement ou empiriquement) n'a même plus besoin de son. La musique s'est faite idée pure. Beethoven, sourd comme un pot, n'a pas entendu trois notes de sa Neuvième, et Fauré ne pouvait plus écouter de musique à la fin de sa vie, souffrant d'une curieuse pathologie qui déformait les sons qu'il entendait. Cela ne les empêchait pas de composer. Ce n'est pas là un exploit extraordinaire : tous les étudiants en harmonie pratiquent l'exercice d'harmonisation à quatre voix de chant ou de basse donnés (en quatre clés), et sans l'aide d'aucun instrument. Et celui qui maîtrise parfaitement ce langage se trouve à son tour complètement dépourvu lorsqu'il entend une musique qu'il ne comprend pas, qu'il ne peut conceptualiser. Ainsi, lorsqu'on se trouve devant une œuvre électro-acoustique, ou d'un raga indou. Ce sont d'autres langages, d'autres règles, d'autres grammaires, qu'il faut apprivoiser, apprendre, comme on apprend des langues étrangères. C'est très réducteur de dire que la musique est _avant tout_ du son. Je dirais, pour ma part, que la musique est _avant tout_ de "l'idée", du "discours". On se souvient de M. B., le joueur d'échecs de Stefan Sweig, qui, pour meubler les interminables heures passées en prison, avait appris seul les échecs avec tant d'opiniâtreté qu'il était parvenu à jouer des parties entières sans le secours d'aucun support matériel, simplement en se représentant mentalement l'échiquier et les mouvements des pièces. On appelle cela jouer "à l'aveugle", quelques grands maîtres ont poussé cet exercice à ses extrêmes limites : on dit que Harry Pillsbury pouvait, les yeux bandés, jouer simultanément contre douze adversaires. Je suis très loin d'être un grand maître, j'ai toujours besoin d'un échiquier pour perdre mes parties (il me semble d'ailleurs que j'en perds de plus en plus souvent et que je régresse au fil des ans), mais je suis encore capable d'extraire la musique, "l'idée", du son, parce que c'est un langage que je pratique depuis l'enfance, que je comprends aussi bien que le langage parlé (du moins la musique classique occidentale), je n'ai pas besoin d'une reproduction sonore impeccable pour l'apprécier pleinement. Ma chaîne à 300 euros TTC me convient parfaitement. Curieusement, peut-être (et peut-être, je ne le nie pas, est-ce une tragique infirmité), je ne ressens quasiment jamais de sensations physiques à écouter de la musique. C'est pour moi une activité essentiellement cérébrale. À la limite, en poussant vers l'extrême, la partition me suffirait. Infirmité, disais-je, parce que, incontestablement, l'audition d'un son peut entraîner de fortes réactions physiques, agréables ou désagréables. Ainsi, la craie crissant sur le tableau noir. Une de mes élèves m'expliquait qu'elle ne pouvait entendre le son d'un orgue de barbarie sans fondre en larmes. Pour ma part, le son du clavecin m'a très longtemps horripilé. Aujourd'hui, ça va mieux. Mais je me soigne. On voudra bien excuser le caractère un peu bordélique de cette contribution, c'est un premier jet, qui demanderait à être organisé, discipliné, mis en forme, approfondi. On reconnaîtra, en revanche, qu'elle essaie d'apporter des idées et des arguments, et qu'elle ne se contente pas d'énoncer une formule en deux lignes à l'emporte-pièce. Pour la résumer, je dirais qu'il y a mille manières d'écouter et d'apprécier la musique, et que toutes sont, après tout, légitimes et respectables. Certains, qui pensent que la musique est _avant tout_ du son, chercheront la beauté des sonorités, s'extasieront devant le ========== REMAINDER OF ARTICLE TRUNCATED ==========