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From: Paul & Mick Victor <b.suisseVotreculotte@gmail.com>
Newsgroups: fr.rec.arts.musique.classique
Subject: Re: ENFIN !...
Date: Tue, 05 Sep 2023 03:44:55 +0700
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Message-ID: <ud5fk8$2mb$1@rasp.pasdenom.info>
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Lines: 171

Le 04/09/2023, Ad Musicam a supposé :
>
> Envoyé depuis mon mobile

Voilà un mobile très généreux, puisqu'il n'hésite pas à nous offrir 
trois fois cette brillante contribution. C'est pour rire.

Blagapart, en préambule, il me semble qu'après sa brillante 
démonstration, oncle Jean aurait dû faire sentir au bambin que toute 
les vibrations de l'air audibles par l'oreille ne sont pas de la même 
nature. Je lis sur Wiktionnaire, à l'article "son" : "Quelque chose que 
l’on peut écouter ou entendre". Exemple : "J’éduquais mon oreille à 
traduire des multitudes de sons infimes, petits trots de souris et 
grincements de bois, […]." Et plus loin : "synonyme : bruit". C'est là 
matière à confusion. Il faut mettre des noms précis sur les choses afin 
que les personnes avec qui l'on communique, lorsqu'on leur parle de 
"chaise", évoquent un plateau destiné à recevoir des popotins, muni de 
quatre pieds et d'un dossier, et qu'ils gomment mentalement le dossier 
si on leur parle de "tabouret". On ne devrait pas appeler du même nom 
le "la" du piano et le sac de noix qui dégringole dans l'escalier, 
parce qu'ils ne sont pas de même nature. On devrait dire du premier, 
par exemple, qu'il est un "son", et du second qu'il est un "bruit". Le 
bambin ne comprendra évidemment pas l'explication physique de cette 
distinction, à moins peut-être qu'on lui montre sur un oscilloscope que 
le premier est une fréquence "périodique", qui se répète un certain 
nombre de fois à l'identique, le second est une fréquence "non 
périodique", qui évolue de façon hasardeuse et anarchique. On pourra 
même lui montrer la différence entre le son du diapason à branches, qui 
ne produit quasiment pas d'harmoniques, fréquence périodique 
sinusoïdale, et le son de la cloche, qui en produit énormément, 
fréquence périodique non sinusoïdale. Au-delà de l'explication 
physique, il y a un moyen très simple de faire sentir cette différence 
essentielle au bambin : c'est en posant la question : Peux-tu le 
chanter ? Peux-tu chanter le "la" du piano ? Oui, tu peux. C'est un 
son. Cela "sonne". Peux-tu chanter le sac de noix tombant dans 
l'escalier ? Non, tu ne peux pas. C'est un bruit. Tu peux simplement 
essayer de l'imiter. Peux-tu chanter les premières mesures de la 
Symphonie pastorale ? Oui, tu peux. Ce sont des sons. Peux-tu chanter 
les voitures qui passent dans la rue ? Non, tu ne peux pas. Ce sont des 
bruits. Le son est la matière même de la musique. Et on en restera là. 
Le gamin aura tout le temps d'apprendre par la suite que certains 
compositeurs ont essayé d'organiser des bruits pour en faire de la 
musique. Mais au moins, s'il entend le Voile d'Orphée de Pierre Henry, 
sera-t-il en mesure d'identifier ce qui relève du bruit et ce qui 
relève du son.

Mais ceci n'était qu'une observation, qui ne répondait pas à la 
problématique énoncée par Ad Musicam, laquelle, si j'ai bien compris, 
pourrait ainsi se résumer : "Votre expérience nous montre bien que dans 
"la réalité" aucun son "n'existe". Le son de violon que j'entends au 
concert, dans la salle, dans la réalité objective n'existe pas, ni le 
son de voiture qui vient de passer dans la rue, ni même le son de votre 
voix ou le mien. Déjà l'oncle Jean m'avait fait déduire que la seule 
chose qui existe concrètement dans le monde qui nous entoure ce sont 
des courants d'air. Juste des modifications de rapidité de mouvements 
de l'air. Appeler les mouvements de l'air le "son", n'est-ce pas un 
abus de langage ?"

On pourrait, pour rire, se demander pourquoi des gens payent parfois 
fort cher des places de concert pour écouter des sons qui n'existent 
pas dans la réalité objective. Boutade qui me rappellent celle que nous 
faisions, potaches, lorsque notre professeur nous expliquait le 
paradoxe de Zénon d'Élée, raisonnement par lequel le palamède prouvait 
par A + B que le mouvement n'existait pas et qu'une flèche tirée vers 
un but n'atteindrait jamais ce but, et même resterait immobile. Y'a 
qu'à lui mettre un coup de poing dans la gueule, disions-nous, - sots 
que nous étions -, il verra bien si ça n'arrivera jamais au but ! Ah, 
jeunesse ! Je ne m'en tirerai évidemment pas comme ça, et la réflexion 
d'Ad Musicam est effectivement à prendre en considération. Tautologie 
irréfutable, une vibration est une vibration, et rien de plus. On peut 
la mettre en évidence, on ne peut nier sa réalité, mais ce n'est pas un 
son. C'est une vibration. Point. Dans en endroit désert, un fruit mûr 
qui tombe sur le sol produit des vibrations. Si aucune oreille humaine 
n'est là pour les capter, ce ne sont que des vibrations. Pour qu'on 
puisse appeler ces vibrations des "sons" (ou des "bruits"), il faut 
évidemment que des oreilles les perçoivent (c'est-à-dire qu'elles 
soient dans le spectre audible par l'oreille, 20 à 20.000 Hz pour les 
humains, ou dans d'autres spectres pour d'autres espèces animales), il 
faut que ces vibrations agitent le tympan, soient transmises par les 
osselets, traitées par la cochlée qui les transforment en influx 
nerveux, en impulsions électriques qui seront traitées à leur tour par 
le cerveau. Ce processus (assez complexe tout de même) est parfaitement 
connu, on en trouvera de nombreuses explications et de nombreux schémas 
sur le Net. Par quel processus, ensuite, le cerveau convertit-il ces 
influx nerveux en sensations ? Je ne sais pas si l'on a une réponse 
scientifique claire à ce sujet. À l'heure où l'on a exploré toute la 
terre, où l'on a mesuré l'univers, qui commence à nous être bien connu, 
les explorateurs du futur seront peut-être ceux du cerveau, qui semble 
receler encore de profonds mystères.

On ne peut donc parler de "son" que pour des vibrations passées par le 
processeur du cerveau et traduites en sensations physiques. Ceci est 
vrai pour tout. Un mur blanc ou bleu dans une pièce déserte n'est ni 
blanc, ni bleu. Tout ce qu'on pourrait dire, en nous appuyant sur 
l'expérimentation, c'est qu'il vibre à une certaine fréquence. Ce n'est 
que lorsque des yeux le verront et que le cerveau l'interprètera, qu'il 
deviendra blanc ou bleu. Mes meringues de l'autre jour (elles étaient 
très réussies, croquantes et fondantes à souhait), tant qu'elles 
restaient sur l'assiette, n'étaient ni sucrées, ni salées, ni acides, 
ni amères, ni même comestibles. Ce n'est qu'après les avoir mises dans 
ma bouches que je pouvais dire qu'elles étaient sucrées (un peu trop, 
peut-être, pour mon diabète).

Ad musicam nous pose également une de ces questions philosophiques qui 
donnent le vertige : "Savons-nous seulement si le son que crée notre 
cerveau lorsqu'il perçoit les mouvements vibratoires de l'air provoqués 
par une corde de piano est identique d'un être à l'autre ?"

Qu'est-ce qui me dit, en effet, que l'autre voit, entend la même chose 
que moi ? Qu'est-ce qui me dit que ce que j'appelle "bleu" n'est pas 
perçu par lui comme ce que, moi, j'appelle "rouge" ? Rien, en vérité. 
Mais j'ai envie de dire que c'est un faux problème. Un jour de grand 
beau temps, nous serons tous d'accord pour dire que le ciel est bleu. 
Peut-être ce que je vois et que j'appelle "bleu" est-t-il ce qu'un 
autre voit de la couleur que moi, j'appelle "vert", mais nous 
appellerons tous du même nom (sauf pathologie de la vision) les 
longueurs d'ondes comprises entre 410 et 480 nanomètres. Et c'est 
finalement la seule chose qui importe pour se comprendre et vivre en 
harmonie.

J'invite à lire (ou à relire) le livre du grand philosophe Ludwig 
Wittgenstein : "De la certitude" (Gallimard, collection Tel). J'en 
extrais ces deux passages :

"Comment un homme juge-t-il quelle est sa main droite et quelle est sa 
main gauche ? Comment sais-je que mon jugement coïncidera avec celui 
d'autrui ? Comment sais-je que cette couleur est du bleu? Si dans ces 
cas je ne me fais pas confiance, pourquoi irais-je faire confiance au 
jugement d'autrui ? Y a-t-il un pourquoi ? Ne dois-je pas commencer 
quelque part à faire confiance ? C'est-à-dire : il faut que quelque 
part je commence à ne pas douter ; et ce n'est pas là, pour ainsi dire, 
une procédure trop précipitée mais excusable ; non, cela est inhérent à 
l'acte de juger."

"Maître et élève. L'élève ne s’ouvre à aucune explication car il 
interrompt continuellement le maître en exprimant des doutes, par 
exemple quant à l’existence des choses, la signification des mots, etc. 
Le maître dit : « Ne m’interromps plus et fais ce que je te dis ; tes 
doutes, pour le moment, n’ont pas de sens du tout. »
Imagine encore que l’élève mette en doute l’histoire (et tout ce qui y 
est lié), qu’il aille même douter si la terre a existé il y a cent ans.
Un tel doute, pour moi, est comme creux. Mais la croyance en l’histoire 
ne l’est-elle pas non plus ? Non ; il y a tant de choses qui vont de 
pair avec cette croyance !
Alors c’est là ce qui nous fait croire une proposition ? C’est que la 
grammaire de « croire » va de pair avec celle de la proposition que 
l’on croit.
Imagine que l’élève ait demandé pour de bon : « Et la table, est-elle 
encore là lorsque je me détourne ; y est-elle encore lorsque personne 
n'est là pour la voir ? Attend-on alors du maître qu’il le tranquillise 
et qu’il lui dise : « Bien sûr elle y est encore. »
Peut-être le maître s’impatientera-t-il un peu, en se disant toutefois 
que l’élève se déshabituera bientôt de telles questions.
C’est-à-dire : le maître aura le sentiment que ce n’est pas vraiment 
une question légitime.
Et ce serait la même chose si l’élève mettait en doute que la nature 
obéisse à des lois, donc contestait la légitimité des raisonnements 
inductifs. — Le maître aurait le sentiment que le seul effet de ce 
doute, c’est de les bloquer, lui et l’élève, et que de la sorte ce 
dernier ne pourrait que s’arrêter et non aller plus loin dans son 
apprentissage. — Et il aurait raison. Ce serait comme pour quelqu’un 
qui cherche un objet dans une pièce : il ouvre un tiroir et ne l’y voit 
pas ; alors il le referme, attend, puis l’ouvre de nouveau pour voir si 
peut-être cet objet n'y est pas maintenant — et il continue de la 
sorte. C’est qu'il n’a pas encore appris à chercher. L'élève lui non 
plus n'a pas encore appris à poser des questions. Il n’a pas appris le 
jeu que nous voulons lui enseigner."
--
Paul & Mick Victor
Vu que les meringues étaient très réussies, je vais essayer de faire 
une pavlova aux mangues. Ce n'est plus tout à fait la saison ici, mais 
on en trouve tout de même dans les supermarchés.