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From: P Cormoran <pc@ue.com>
Newsgroups: fr.soc.politique
Subject: Re: =?ISO-8859-15?Q?Pourquoi_donc_la_gauche_a-t-elle_renonc=E9_au?=
	=?ISO-8859-15?Q?_progr=E8s_=E9conomique_pour_ses_=E9lecteurs_potentiels_=3F?=
Date: Sun, 14 Jul 2024 20:49:37 +0200
Organization: A noiseless patient Spider
Lines: 175
Message-ID: <v716k3$926k$1@dont-email.me>
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Injection-Date: Sun, 14 Jul 2024 20:49:40 +0200 (CEST)
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Bytes: 12262

Canta Galet avait soumis l'idée :
>
>
> Thomas Piketty a raison : ne nous attardons pas trop sur les détails du 
> programme économique du Nouveau Front populaire (NFP), mais jugeons l’effort 
> global. Je ne regarde ici que l’aspect fiscalité sur le capital et sur les 
> super-riches ; j’essaie de juger sans a priori. Transparence : je vote aux 
> deux tours pour ma députée sortante PS contre le RN. Je viens de publier sur 
> ce site une critique du programme du RN.
>
> En résumé, un NFP au pouvoir ne collecterait que très peu des taxes 
> envisagées sur le capital et les super-riches, même avec leur projet d’exit 
> tax.
>
>
> La pétition de 300 économistes en faveur du NFP (dont 10 de renommée 
> européenne ou mondiale) est très claire : « les financements envisagés (…) 
> reposent principalement sur des mesures fiscales concentrées sur les très 
> hauts revenus et les très hauts patrimoines ».
>
> Le NFP s’engage aussi à ce que les déficits publics baissent. Les impôts 
> prévus par le NFP sur le grand capital et les super-riches sont censés 
> rapporter 100 milliards d’euros (3,6 % du PIB) par an d’ici 2026. C’est 2/3 
> des dépenses supplémentaires annuelles prévues d’ici 2026 par le NFP (+150 
> milliards d’euros, i.e. +5,3 % du PIB). +5,3 % du PIB, c’est énorme et inédit 
> en temps de paix en Europe : ce point aurait dû susciter doute et prudence, 
> alors même que la France détient déjà le record d’Europe des dépenses 
> publiques.
>
> Ici, ni morale ni parti pris politique : regardons crûment les faits et 
> concentrons-nous sur leur projet de taxation des riches et du grand capital. 
> Nos 300 économistes seront très déçus, ils ne taxeront que très peu. Pourquoi 
> ?
>
> Le capital peut fuir en quelques minutes
> Premièrement, le grand capital est très mobile et partira très vite. Dans 
> l’Europe intégrée d’aujourd’hui, il n’y a plus de barrière entre la France et 
> le reste de l’UE. Le principe de l’UE est la liberté complète de mouvement 
> des facteurs de production entre pays : biens, services, personnes et capital 
> peuvent bouger librement et sans coût de la France vers le reste de l’UE. 
> C’est dans l’ADN du projet européen depuis 1950, cher aux sociaux-démocrates 
> et aux écologistes européens. Nos 300 économistes sous-estiment la grande 
> facilité pratique pour délocaliser le capital aujourd’hui. Pour les actifs 
> financiers (principal investissement des ultra-riches), il faut quelques 
> minutes sur les marchés. Il suffit de quelques jours pour domicilier une 
> entreprise depuis la France vers le reste de l’UE (Luxembourg notamment)
>> j’ai vérifié avec des avocats d’affaire. Depuis 2017 et la
> possible victoire de Le Pen, les grandes entreprises françaises ont bâti des 
> plans d’éventuelle domiciliation hors de France : tout est prêt. Vu l’ampleur 
> de la taxation du capital promise par le NFP, leurs plans sont prêts à 
> s’activer.
>
>
> Juridiquement ce sera facile et rapide : quelques signatures électroniques en 
> vidéo avec les avocats. Il suffira alors d’envoyer travailler à l’étranger 
> quelques personnes de la Direction générale. La totalité des entreprises du 
> CAC 40 ayant des filiales à l’étranger, ce sera encore plus facile de 
> domicilier leur siège là-bas. Les dividendes seront alors payés et taxés à 
> l’étranger : la surtaxation NFP des profits rapportera epsilon.
>
> Les profits sont également mobiles…
> En outre, le NFP commet l’erreur de croire les profits du CAC 40 (146 
> milliards euros) comme « revenant à la France ». Or, les entreprises du CAC 
> 40 sont extrêmement internationalisées ; l’essentiel de leurs profits vient 
> de leurs opérations à l’étranger (LVMH, Hermès, Schneider, CGA-CGM, L’Oréal, 
> Air Liquide, ArcelorMittal, Kering, Total, STM, SANOFI, Stellantis). 
> Schneider Electric n’a en France que 10 % de ses activités. De droit, un 
> gouvernement français ne peut pas taxer tous leurs profits. Par ailleurs, 
> certaines des sociétés du CAC 40 sont déjà domiciliées aux Benelux (Belgique, 
> Pays-Bas, Luxembourg) : elles ne dépendent déjà plus de la France et sont 
> non-taxables par la France (hormis l’IS sur leurs bénéfices locaux).
>
> Prenons l’armateur CMA-CGM, (25 milliards euros de bénéfices en 2022 − les 
> plus élevés de France) dont le siège est à Marseille. Son principal actif : 
> ses centaines de bateaux qui voguent en haute mer (i.e. hors juridiction 
> française), non-taxables. Ne restent en France, à son siège, que quelques 
> bureaux, qui peuvent bouger en quelques jours vers des paradis fiscaux 
> européens (Chypre, Pays-Bas, Malte, Irlande). Les bénéfices de CMA-CGM sont 
> littéralement impossibles à taxer ; c’est peut-être injuste, mais la France 
> seule n’y peut rien. Le seul impact du projet NFP sur CMA-CGM : celle-ci 
> renoncerait à subventionner le club local, l’Olympique de Marseille. Même la 
> gauche radicale de Syriza, au plus profond de la crise grecque, a renoncé à 
> taxer les armateurs grecs.
>
> Pire pour la France, une fois délocalisées à l’étranger, ces entreprises ne 
> paieront plus beaucoup l’Impôt sur les Sociétés (IS) en France. Les plans du 
> NFP non seulement ne rapporteraient aucun argent nouveau à l’Etat, mais ils 
> risquent de réduire les recettes fiscales actuelles.
>
> …et les ménages riches, n’en parlons pas
> Deuxièmement, l’autre grand projet fiscal du NFP : augmenter la taxation du 
> capital détenu par les quelques ménages ultra-riches, les 378 milliardaires 
> français selon l’économiste Gabriel Zucman, soutien du NFP, ou selon l’IPP, 
> les 0,001 % ou 0,001 % des ménages les plus riches. Ici encore, c’est une 
> illusion. Ces quelques centaines de ménages iront tout de suite se domicilier 
> fiscalement à l’étranger (UE, R-U, Suisse ou Etats-Unis) : le droit le 
> permet. Il leur suffira de passer en France moins de six mois par an. Or ils 
> passent déjà beaucoup de temps à l’étranger (vacances, affaires). Ils (ou 
> leurs avocats) ont déjà lu le programme du NFP et ont déjà préparé l’exil 
> fiscal. Résultat : tous les projets NFP de taxation des super-riches ne 
> rapporteront presque rien. Pire, les impôts que ces ménages payent déjà en 
> France s’évaporeront. Il ne restera plus au NFP que de taxer les classes 
> moyennes supérieures, ayant un salaire au-delà de 4 000 euros (ce qui inclut 
> les professeurs d’université).
>
> Troisièmement, les économistes (cf. Zucman) du NFP pensent avoir la réponse : 
> une « exit tax » imposée aux ultrariches qui voudraient se délocaliser, votée 
> le 4 août 2024. Cette exit tax du NFP est censée ponctionner tellement les 
> ultra-riches qu’ils renonceraient à partir, ou alors en payant énormément. 
> Est-ce possible ? Une exit tax exista en France de 2012 à 2018. Elle ne 
> rapporta que 80 millions euros par an, car elle avait un énorme trou : les 
> ménages qui se délocalisaient vers l’UE ne payaient pas cette exit tax à la 
> sortie de France, mais seulement lorsqu’ils avaient revendu leur capital à 
> l’étranger. En outre la somme à payer se réduisait dans le temps, pour 
> devenir nulle à partir de huit ans. Ainsi les revenus de cette exit tax 
> furent minuscules.
>
> Les 300 économistes nous disent qu’ils feront sauter ce trou fiscal. Problème : 
> cette niche s’est imposée à la France via le droit européen, au regard des 
> libertés fondamentales de l’UE et de la liberté de circulation des capitaux 
> et des personnes. Ce sera pareil avec l’exit tax de G. Zucman : aux niveaux 
> envisagés, elle ne collectera que des queues de cerises, à moins que la 
> France n’impose une frontière hermétique. En pratique, c’est juste 
> impossible.
>
> Quatrièmement, toutes ces remarques s’appliquent aussi aux autres projets du 
> NFP de taxation des super-riches (héritage, taux marginal de l’IR à 90 % 
> selon Manon Aubry – Thomas Piketty dans sa recherche académique propose un 
> taux marginal de taxation du revenu de 80 % –, nouvelle taxe Tobin…). Le NFP 
> veut collecter 30 milliards d’euros à court terme et 100 milliards d’euros en 
> 2026 en taxant les riches et le capital : il n’en récoltera presque rien.
>
>
> Des déficits de 10 % du PIB
> Les hauts revenus subissent déjà des prélèvements obligatoires (PO) élevés 
> (64 % selon le simulateur de l’Urssaf) ; idem pour les dividendes (47,5 %). 
> Il est dommage que le NFP n’ait pas juste promis d’enlever toutes les niches 
> fiscales sur les impôts déjà existants. Il a préféré la solution de la gauche 
> radicale ; il ne prélèvera rien.
>
> Le programme du NFP, si appliqué, entraînerait des déficits proches de 10 % 
> du PIB, la récession (qui investira encore en France ?), la crise budgétaire, 
> puis la crise financière, enfin l’austérité profonde : le NFP devrait alors 
> couper à la hache dans les dépenses publiques et augmenter beaucoup la TVA et 
> la CSG. La tentation grecque n’est pas loin. En 2027, les électeurs 
> populaires iraient alors voter massivement Le Pen dès le premier tour. Notons 
> que Syriza s’est effondré électoralement depuis son passage au pouvoir 
> (2015-2019) avec un programme analogue à celui du NFP.
>
> Quel entrepreneur, quel innovateur, quelle start-up envisagerait de se 
> développer en France, avec un tel fardeau fiscal ? Ils prendront le TGV vers 
> le Benelux, la Suisse, Londres ou Berlin. Idem pour nos médecins, cadres 
> supérieurs ou ingénieurs. Il est curieux que nos 300 économistes ne parlent 
> jamais d’incitations, d’innovations et d’entreprenariat.
>
> Pourquoi cette marche aveugle du NFP au précipice ? Car le socialisme dans un 
> seul pays n’a jamais marché. Au contraire, la France de 2024 est ouverte à 
> tous les mouvements de capitaux et de personnes ; elle est aussi voisine de 
> pays à faible taxation (Suisse, Benelux). Même si les dindes sont riches, 
> elles n’aiment pas Noël. Les jugements moraux n’y peuvent rien.
>
>
> Au-delà du programme 2024, il est temps pour la gauche française de 
> comprendre que les classes populaires (ouvriers et employés, 40 % des actifs) 
> sont repoussées par le décroissantisme revendiqué par la gauche. Si la gauche 
> n’a rien d’autre à proposer au peuple et à ses enfants qu’un appauvrissement 
> permanent et cumulatif, pas étonnant que les prolétaires votent pour le RN. 
> Pourquoi donc la gauche a-t-elle renoncé au progrès économique pour ses 
> électeurs potentiels ?
>
> Par Jacques Delpla

Pour le NFP et le RN l’extérieur de la France n’existe pas. Ils se 
croient en économie fermée. Le programme du NFP ne volera pas 1 minute 
car le capital et les riches quitteront.