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From: P Cormoran <pc@ue.com>
Newsgroups: fr.soc.politique
Subject: Re: Ukraine
Date: Mon, 12 May 2025 21:27:38 +0200
Organization: A noiseless patient Spider
Lines: 80
Message-ID: <vvti3a$18tqg$1@dont-email.me>
References: <m8brseFfj4tU1@mid.individual.net> <m8eadoFrfdaU1@mid.individual.net> <vvt6h7$168sn$1@dont-email.me> <fia6dq8uy3ox$.dlg@le.bref> <vvt7ol$16h56$1@dont-email.me> <6yji3xgie75s.dlg@le.bref> <vvt8un$16pb9$1@dont-email.me> <1scnd1oqkmu0z.dlg@le.bref> <vvta8k$172jd$1@dont-email.me> <1p0h27cf3eh6s.dlg@le.bref> <vvtgor$18ksh$1@dont-email.me> <1v55pclh85g8e.dlg@le.bref>
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Injection-Date: Mon, 12 May 2025 21:27:39 +0200 (CEST)
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X-Newsreader: MesNews/1.08.06.00
Bytes: 5657

Dans son message précédent, Lebref a écrit :
> P Cormoran :

>> Vous avez raison sur un point : les démocraties ne sont pas exemptes de
>> compromissions ou d’hypocrisie — la realpolitik n’est pas l’apanage des
>> régimes autoritaires. Mais la forme d’un régime n’est pas un détail :
>> dans une démocratie, il existe au moins des contre-pouvoirs, une presse
>> libre, une société civile, des élections contestables — autant de choses
>> impossibles en Russie. Cela ne garantit pas la vertu, mais cela permet
>> la contestation, la sanction, le débat. Ce n’est pas secondaire, c’est
>> structurant. 
>
> Oui, mais non, le problème auquel nous sommes confrontés est qu'en état de
> guerre, la démocratie disparaît, elle s'efface derrière les nécessités de
> l'unité dans le combat. Vous pouvez invoquer la démocratie en Ukraine,
> mais depuis quand n'y a-t-il pas eu d'élections ? La presse y est-elle
> encore libre ? Chacun peut-il contester ouvertement le gouvernement ?

Vous avez raison de souligner que la guerre met les démocraties à rude 
épreuve — c’est vrai en Ukraine comme ailleurs. Mais le contexte compte : 
l’Ukraine ne suspend pas ses institutions par goût du pouvoir, elle le 
fait parce qu’elle est littéralement envahie, partiellement occupée et 
bombardée chaque jour. Il y a là une différence fondamentale entre des 
restrictions imposées par une situation d’exception, et un système où 
ces restrictions sont la norme.

Il est exact que certaines élections ont été reportées, que les médias 
sont sous pression, que les critiques sont plus difficiles à exprimer. 
Mais malgré cela, l’Ukraine reste un pays où les contre-pouvoirs 
existent encore, où la société civile est active, où les partis 
d’opposition ne sont pas tous interdits, et où les citoyens savent très 
bien faire entendre leurs désaccords — y compris avec Zelensky.

Autrement dit : la démocratie ukrainienne est mise à l’épreuve, mais 
elle n’a pas disparu. Et surtout, ce n’est pas la démocratie qui a 
causé la guerre, c’est la volonté d’un régime autoritaire de la 
détruire.



>> Quant à la morale, je n’ai pas besoin d’invoquer une supériorité
>> abstraite. Mais si on renonce à toute boussole éthique sous prétexte que
>> "tout se vaut" ou que "le monde est cynique", alors il ne reste que la
>> loi du plus fort. Et dans ce cas, pourquoi blâmer Poutine ? Pourquoi
>> même discuter ? Si on accepte que seul le rapport de force compte, alors
>> il faut aussi accepter la guerre comme mode d’arbitrage permanent. Moi,
>> je refuse cette résignation.
>
> Quand Poutine agresse ou que Netanyahou bombarde, la morale permet
> peut-être de se positionner, mais là encore quel impact a-t-elle ?
>
> Si Poutine envahit, qui va sérieusement contester à l'Ukraine le droit de
> se défendre ? Si Netanyahou bombarde des civils, qui va sérieusement
> contester au Hamas le droit de ... non, d'accord, là ça ne fonctionne
> plus. (Gaza n'est là que pour illustrer mon propos, ne le prenez pas mal)
>
> La morale c'est toujours le risque de tomber dans le deux poids, deux
> mesures.

Vous soulevez un point intéressant — la morale n’a pas toujours de 
poids sur le rapport de force immédiat, mais ce n’est pas une raison 
pour l’abandonner.

Oui, le droit à la défense de l’Ukraine ne fait aucun doute, justement 
parce qu’il existe une morale partagée, codifiée dans des règles 
internationales (Charte de l’ONU, Convention de Genève, etc.). Ce sont 
ces principes qui nous permettent de dire clairement : une invasion est 
inacceptable, un massacre de civils est un crime, une démocratie 
attaquée a droit au soutien.

Vous mentionnez Gaza : ce qui rend la situation si explosive, c’est 
justement qu’on a l’impression que les principes sont appliqués à 
géométrie variable. Mais la solution, ce n’est pas de jeter la morale 
par-dessus bord — c’est de la rendre cohérente et universelle. Ce n’est 
pas la morale qui crée le “deux poids, deux mesures”, c’est son 
instrumentalisation.

Renoncer à tout cadre moral parce qu’il est parfois mal appliqué, ce 
serait comme renoncer aux lois parce qu’il y a des injustices 
judiciaires : ce serait un recul, pas un progrès.