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Le 12/06/2023 à 17:11, karamako a écrit :
> Autour d’un Dictionnaire (paru le 7 février 1850 dans le XIXe siècle) : 
> CHARGUÉRAND. – ACHILLE ET VICTOR FILLIAS. BUCHET DE CUBLIZE. — ANTONIO 
> WATRIPON. — MELVIL-BLONCOURT.

Les frères Fillias, nés dans la Creuse, fils d’un ancien officier 
d’infanterie, ont suivi de brillantes études : le premier, Achille 
(1820-1885) fut Saint-Cyrien et ingénieur des Mines ; le second, Victor, 
de sept ans son cadet, Normalien. Achille, fut le secrétaire d'Eugène 
Sue d’après sa notice de la BNF, avant de s’établir en Algérie, pays sur 
lequel il écrivit plusieurs livres. Il obtint même la légion d’honneur 
en 1882 pour avoir effectué 22 ans de service comme chef de bureau à 
Alger. À cette date, il y avait longtemps que Victor était décédé à 31 
ans en 1859 à Chambéry.

Le sympathique Pierre Buchet de Cublize (1812-1862) est bien né à 
Cublize comme le pense Levallois. Il fut l’ami notamment de Jules 
Levallois et de Melvil-Bloncourt. Le féroce Jean-Mamert Cayla 
(1812-1877) qui le renvoie sèchement dans l’anecdote de la chronique, 
est un anti-ultramontain gascon qui collabore à de nombreux journaux 
polémiques comme le Siècle ou La Réforme, d’abord dans le Midi puis à 
Paris. Il meurt dans un relatif anonymat – aucun discours ne fut 
prononcé lors de son enterrement au Père Lachaise, rapporte avec une 
certaine perfidie Le Petit Parisien. Charles Woinez (1813-1880) est un 
poète qui publia plusieurs recueils, sous le pseudonyme peu hermétique 
de Ferdinand Zeniow. À la fin de sa vie, il écrit dans Le Réveil, un 
journal à tendance radicale. Lui aussi fut un ami de Jules Levallois.

Théodore Pelloquet (1820-1868) est une autre figure de la Bohème 
dépenaillée, habitué du café La Roche et d’autres établissements où il 
passait ses nuits. Sa carrière de journaliste politique fut interrompue 
comme celle de tant d’autres par le coup d’État de Louis-Napoléon 
Bonaparte. Plutôt que de se renier, il abandonna la politique pour se 
consacrer à la critique d’art. Il fut l’ami de Nadar – mais qui ne fut 
pas l’ami de Nadar ? – et de Firmin Maillard. Sa fin fut lamentable* : 
rendu fou par de trop fréquentes libations, il fut arrêté alors qu’il 
divaguait dans les environs de Grasse, incapable de s’exprimer, et 
interné à l’hospice des aliénés de Nice où il mourut peu après.

L’estime de Jules Levallois pour Antonio (Antoine) Watripon (1822-1864) 
ne semble pas très haute et la médiocrité littéraire qu’il lui attribue 
se retrouve dans la plupart des portraits qui lui sont consacrés. Cette 
figure typique de la bohème, extravagant, mal vêtu, buveur d’eau, 
accoutumé de la Brasserie des Martyrs et du Pays latin (il se spécialise 
dans l’histoire des étudiants) se conformait à tous les us de ce milieu. 
Watripon, parfois surnommé « Va-Fripon », fut rédacteur dans diverses 
publications comme l’éphémère et révolutionnaire Aimable faubourien, 
journal de la canaille en 1848. Après le coup d’État, sa carrière 
politique républicaine brisée ; il écrit alors dans Le Figaro ou Le 
Journal amusant pour lesquels il rédige de nombreux articles satiriques. 
Ses nécrologues, à l’instar de Levallois, soulignent son usurpation de 
la chanson de Lepère, son manque de talent et sa grande paresse, comme 
s’il incarnait tous les vices de la bohème. Il aurait écrit une 
Complainte sur l’assassinat de Sibour par Verger en 1857 que beaucoup 
ont recherchée sans parvenir à n’en dénicher que le refrain et le 
dernier couplet que voici :

.... Verger, il creva la paillasse
À monseigneur l’archevêq’ de Paris,

Il partit entre quat’ gendarmes,
Il n’avait pas du tout l’air d’êt’ gai.
Les assistants versaient des larmes,
Bien que l’on fût dans le milieu du mois d’ mai.
On tir’ la corde ; il r’çoit le coup de grâce,
Et sa têt’ tomb’ dans un panier d’ bran d’ scie.

Ainsi finit qui creva la paillasse
À monseigneur l’archevêq’ de Paris.

Mais il est aussi connu pour avoir interrogé, à l’occasion d’un 
dictionnaire des figures littéraires de son temps, Baudelaire qui lui 
envoie en retour des renseignements sur sa biographie et sa 
bibliographie. Doux et timide selon ses amis, Watripon meurt de phtisie 
à l’hôpital Saint-Louis à l’âge de 42 ans.

* Certains, ici, pourraient puiser dans l'exemple de cette triste 
destinée matière à rénovation de leur conduite.
-- 
A.