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From: Buk <bl@bl.co>
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	=?ISO-8859-15?Q?_a_rapidement_perdu_toute_compassion_pour_les_Palestiniens?=
Date: Tue, 09 Apr 2024 14:12:26 +0200
Lines: 188
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Source en anglais middleeasteye 16 mars 2024

Orly Noy est présidente de l’ONG israélienne de défense des droits de 
l’homme B’Tselem.


    Des Israéliens manifestent près du ministère de la Défense à Tel 
Aviv, le 16 décembre 2023 (Alberto Pizzoli/AFP)

La compassion des Israéliens libéraux à l’égard des Palestiniens 
reposait sur la mentalité coloniale qui considère les colonisés comme 
des êtres inférieurs qui doivent être reconnaissants pour le soutien 
qui leur est apporté

L’attaque du Hamas du 7 octobre et la guerre lancée par Israël dans la 
foulée ont introduit une nouvelle catégorie conceptuelle de personnes 
dans le vocabulaire hébreu-israélien : les « désillusionnés », 
c’est-à-dire les personnes qui ont maintenant « retrouvé leur lucidité 
».

Ces personnes insistent sur le fait que, jusqu’au 7 octobre, elles 
étaient des humanistes en quête de paix pour qui l’attaque du Hamas a 
tout changé : à la suite de cette attaque, elles ont été bouleversées 
et soutiennent désormais passionnément le génocide perpétré par Israël 
à Gaza.

Depuis plus de cinq mois, ils continuent à se flageller les uns les 
autres pour le péché de leur innocence gauchiste d’antan. Après une 
absolution rituelle appropriée, ils sont admis au sein de la tribu et 
couverts de pardon au nom du peuple et de la nation.

Les rangs de ces personnes désillusionnées, déjà bien remplis, ne 
cessent de grossir. Parmi les nouveaux venus, nombreux sont ceux qui 
viennent de l’industrie du divertissement et s’identifient au camp 
libéral. Chacun a droit à son quart d’heure de gloire pour répéter les 
arguments typiques : je croyais en la paix, je voulais la coexistence, 
mais le 7 octobre, j’ai découvert que de l’autre côté, il n’y a pas 
d’humain, seulement des animaux humains qu’il faut combattre jusqu’au 
bout.

La purification rituelle est assortie d’expressions d’amour et 
d’appréciation pour « les forces de défense israéliennes, l’armée la 
plus morale du monde », de remerciements et de félicitations pour nos 
soldats héroïques, et quelques déclarations superficielles sur la 
situation difficile des otages.

Comme l’a déclaré l’actrice reconnue Hanny Nahmias, « [nous] étions les 
plus favorables à la coexistence », mais elle souhaite désormais une 
guerre « jusqu’au bout ».

Cibles légitimes

Si on accorde une attention particulière aux nouveaux désillusionnés, 
le problème ne semble pas être principalement leur nouvelle position 
qui a changé et qui englobe souvent l’extermination totale des 
Palestiniens dans la bande de Gaza.

Par exemple, le chanteur populaire Idan Raichel, qui est généralement 
associé à des valeurs progressistes et collabore souvent avec des 
musiciens de la communauté éthiopienne, reproche aux habitants de Gaza 
– déplacés, brutalisés, assoiffés et affamés – de ne pas pénétrer dans 
les tunnels et de ne pas combattre le Hamas, même si cela leur coûtait 
des milliers de victimes, pour obtenir le retour de tous les otages.

Idan Raichel conclut que, puisqu’ils ne le font pas, ils doivent être 
considérés comme des complices des crimes du Hamas et donc comme des 
cibles légitimes pour les attaques d’Israël.

En réalité, le problème de ces personnes nouvellement désillusionnées 
semble plutôt résider dans l’interprétation qu’elles font de leur 
position « de gauche » précédant leur désillusion.

Dans un entretien accordé à l’émission « Stronger Together » de 
l’humoriste Shalom Assayag, l’actrice et animatrice de télévision 
Tzufit Grant a déclaré : « Mon côté gauchiste n’existe plus. Je pensais 
que nous étions tous humains, mais… non. »

Le 7 octobre, selon elle, les assaillants ont tué « une sorte de partie 
humaniste du cerveau, d’une compassion écrasante, [l’idée que] "nous 
sommes tous des êtres humains" ».

Tzufit Grant ne croit plus que nous sommes tous humains. Alors, quelle 
est la suite ?

Elle dépeint plus de deux millions de Palestiniens à Gaza dans 
unvocabulaire odieux pour quelqu’un qui, jusqu’à récemment, était guidé 
par l’amour de l’humanité.

Du pur narcissisme

Tzufit Grant n’est pas la seule. Parmi les personnes nouvellement 
désillusionnées, le sentiment le plus fort qui revient sans cesse est 
sans doute la déception : les Palestiniens « les ont perdus ».

Eux, les gauchistes du passé, qui prétendent qu’ils étaient, après 
tout, totalement attachés à la coexistence et qu’ils considéraient 
chaque personne comme un être humain – et leur « récompense » a été une 
attaque criminelle le 7 octobre.

Certes, l’attaque du Hamas contre les communautés voisines de Gaza a 
été horrible. Mais il faut se méfier de l’idée que la simple bonne 
volonté du dominateur est censée suffire à satisfaire les Palestiniens, 
qui sont censés être reconnaissants de la bonté du maître et continuer 
à supporter leur oppression en silence. (Oh, cette nostalgie du « bon 
vieux temps » où les Palestiniens de Gaza, grâce à la bonté d’Israël, 
pouvaient entrer en Israël pour y travailler comme journaliers et en 
être reconnaissants.)

Cette position relève au mieux du pur narcissisme – il ne s’agit pas 
d’une position politique fondée sur une analyse de la réalité et de ses 
rapports de force déformés.

Certains observateurs mentionnent à plusieurs reprises que de nombreux 
habitants des communautés voisines de Gaza qui ont été attaquées le 7 
octobre étaient pacifistes, certains étant même des militants qui se 
portaient régulièrement volontaires pour conduire les enfants de Gaza 
du point de passage d’Erez (Beit Hanoun) vers les hôpitaux israéliens – 
une mention destinée à dépeindre les Palestiniens comme ingrats et à 
justifier l’évolution de leurs propres positions politiques.

Cette position est entachée par la même dépolitisation narcissique qui 
voit tout à travers le prisme des bonnes intentions de (certains) 
Israéliens.

Il ne fait aucun doute que se porter volontaire pour transporter des 
Palestiniens malades de Gaza est un acte noble et que les volontaires 
sont des personnes dont les actions ont été motivées par la moralité et 
la conscience. Cependant, une position politique tient compte du 
contexte plus large dans lequel s’inscrit ce volontariat : le siège de 
longue durée sur la bande de Gaza par Israël et la destruction de la 
plupart de ses infrastructures civiles.

Une telle position s’interroge sur les raisons qui ont conduit à cette 
réalité, dans laquelle les civils palestiniens de Gaza doivent compter 
sur la générosité de bons Israéliens et ne peuvent pas recevoir de 
soins médicaux adéquats à Gaza même. Elle s’interroge sur les raisons 
pour lesquelles il n’y a pas d’hôpitaux dignes de ce nom à Gaza, sur 
les personnes qui empêchent les Palestiniens d’en construire, et en 
vertu de quels droits.

Adhérer au tribalisme

Une telle position mettrait en évidence l’importance d’un déni aussi 
profond de la liberté de mouvement de millions de personnes qui ont 
besoin de l’autorisation du dominateur non seulement pour entrer en 
Israël, mais aussi pour se rendre dans les territoires palestiniens de 
Cisjordanie occupée. Elle mettrait également en évidence la nature du 
régime qui, depuis des décennies, contrôle le moindre souffle de 
millions de personnes dépossédées de leurs droits, et elle comprendrait 
qu’un tel régime suscite inévitablement un soulèvement.

Et, contrairement à toutes les tentatives visant à contrôler la manière 
dont ces réalités sont présentées au public, les comprendre 
correctement n’équivaut pas à soutenir la violence ni à la justifier, 
mais tout au contraire à analyser de manière dépassionnée cette réalité 
sanglante, afin de nous permettre d’en sortir.

L’idée que tout ce à quoi le soumis peut aspirer est la reconnaissance 
de son humanité par le dominateur, reconnaissance qui peut lui être 
retirée aussi facilement qu’elle lui a été accordée si le soumis « 
déçoit », est le propre de la situation coloniale.

Dans cette situation, le dominateur se considère comme tellement 
supérieur au soumis que ce dernier devrait être reconnaissant pour 
chaque moment où l’emprise du dominateur sur sa gorge reste desserrée, 
et que toute résistance à la menace permanente d’un étranglement 
équivaut à de l’ingratitude.

Ce sont ces mêmes « gauchistes du passé » qui, parallèlement à leur 
déception à l’égard des Palestiniens, ont soudain découvert les joies 
de l’adhésion au tribalisme – comme l’a manifestement fait Tzufit 
Grant.

Depuis le 7 octobre, dit-elle, elle veut arpenter les rues toute la 
journée et embrasser des Israéliens : « Je suis devenue très 
israélienne, très juive. »

Hélas, et cela est terrible, dans l’Israël d’aujourd’hui, il semblerait 
que cela implique de se séparer non seulement de la « partie humaniste 
» du cerveau, mais également du cerveau en lui-même.

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