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Subject: La pharmacie de Girard
Date: Tue, 19 Oct 2021 16:28:43 +0200
Organization: Ordre hospitalier de l'Alephun
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Voici l'image commentée :

https://innergarden.org/artwork/gualdus/gualdus14.jpg

Voici sa légende :

V.I.T.R.I.O.L.

Visita Interiora Terrae Rectificando Invenies Occultum Lapidem

Visite l’intérieur de la terre et, en rectifiant, tu trouveras la pierre 
cachée c'est-à-dire le médicament ou remède universel

Et voici son commentaire :

Le mot pharmacie provient directement des vocables grecs pharmakon et 
pharmakos.

Dans la Grèce antique le mot « pharmakon » désignait un remède qui 
soigne ou un poison qui détruit. Le mot est donc ambivalent : il désigne 
à la fois ce qui d’une part sauve ou est bénéfique et de l’autre ce qui 
perd ou est maléfique.

Toujours dans la Grèce antique le mot « pharmakos » désignait un bouc 
émissaire qui était lynché ou sacrifié.

Quel rapport entre les deux formes du même mot ? C’est longuement 
expliqué par René Girard dans sa théorie du sacrifice humain. Le 
lynchage ou le sacrifice du bouc émissaire a un effet cathartique : il 
apaise une communauté déchirée par une crise globale décrite par 
Shakespeare comme « Crisis of Degree », littéralement crise de la 
différence, par Dostoïevski comme crise des doubles, par Guimarães Rosa 
comme « O Diabo na rua, no meio do redemoinho » littéralement le diable 
dans la rue au milieu du tourbillon. Dans le vocable portugais 
redemoinho (tourbillon) on entend presque demônio, le démon, le diable. 
Girard nomme cette crise de plusieurs manières : crise des doubles 
indifférenciés (en s’inspirant de Dostoïevski), crise mimétique arrivée 
au stade suprême et collectif de guerre de tous contre tous. Quel est le 
moteur de cette crise ? C’est ce que Girard appelle le désir mimétique 
ou encore le désir envieux. A quoi ressemble une crise mimétique 
collective ? A ceci mais en beaucoup plus grave et violent :

https://www.youtube.com/watch?v=_zeza1xeWKM

Dans une véritable crise mimétique grave il y a parfois deux temps, 
parfois un seul temps. Le premier temps est celui de la guerre de tous 
contre tous. Si le second temps ne survient pas alors le groupe en proie 
à la crise peut s’autodétruire. Le deuxième temps se caractérise par la 
polarisation de tous les désirs envieux contre le bouc émissaire perçu 
comme la source du mal. Girard n’est pas parvenu à expliquer 
complètement cette illusion collective. Les travaux de Lozac’hmeur 
montrent que le bouc émissaire est perçu comme mauvais car il est accusé 
de confisquer à son seul profit la divinité ou parfois aussi ce qui est 
vital comme l’eau, le feu, la gnose (la connaissance). En lynchant le 
bouc émissaire le groupe en proie à la crise libère sur lui la divinité. 
Il s’agit probablement d’une programmation animale inscrite dans notre 
cerveau reptilien (le fameux serpent de Genèse). Toujours est-il que le 
bouc émissaire est considéré comme la source de la divinité donc comme 
un dieu. Un dieu mauvais de son vivant car il accaparait à son seul 
profit la divinité, un dieu bon après son lynchage car il a libéré sur 
les lyncheurs la divinité. C’est ce que René Girard appelait 
l’ambivalence sacrificielle.

Le lynchage du bouc émissaire soigne donc la collectivité en crise car 
il apaise sa frustration produite par le rejet de Dieu survenu lors du 
péché originel. Il lui donne l’impression fugitive d’atteindre 
collectivement la divinité, de se faire dieu par soi-même, ainsi que le 
promettait le rusé serpent (le cerveau reptilien) à l’homme ou 
l’humanité (ha-adam en hébreu).

L’image qui illustre le fameux VITRIOL, qui, paraît-il, est inscrit sur 
le mur du cabinet de méditation où lors de son initiation le futur 
franc-maçon est assis devant un crâne afin de rédiger son testament, 
représente un monstre. Or le même Girard explique fort doctement que 
lors de la crise mimétique à son paroxysme le groupe est la proie 
d’hallucinations collectives qui lui font voir le bouc émissaire comme 
son double monstrueux.

Et que voyons-nous dans les mains du bouc émissaire ? Un œuf ou pierre 
ou peut-être figue de couleur noire dans la main droite et un œuf, une 
pierre ou peut-être une figue de couleur blanche dans la main gauche du 
monstre ailé.

Nous avons donc l’ambivalence sacrificielle dans cette image.

Revenons au pharmakos. Wikipedia décrit ainsi un rituel du pharmakos :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Pharmakos#Le_pharmak%C3%B3s_(masculin_singulier)

La ville d'Athènes entretenait un certain nombre de miséreux, criminels, 
vagabonds, infirmes, et en cas de calamité réelle ou possible, on 
procédait à un sacrifice en choisissant un de ces individus comme 
pharmakós. Le rite d'exécution du pharmakós est la lapidation. La 
cruauté de ces vieux rituels à l'égard de malheureux expulsés comme 
boucs émissaires s'était beaucoup atténuée dans l'Athènes classique du 
Ve siècle av. J-C.

Au cours des fêtes appelées Thargélies qui se célébraient en mai en 
l'honneur d'Apollon, le dieu purificateur par excellence, deux « 
pharmakoí », parés l'un d'un collier de figues blanches, l'autre d'un 
collier de figues noires, étaient escortés à travers la ville ; on les 
frappait à coups de branches de figuier et de tiges d'oignons marins (en 
grec ancien σκίλλα, scille), et on les expulsait hors de la cité pour 
écarter avec eux les souillures dont on les supposait chargés.
Fin de citation

Lors de la fête d’Apollon il y a donc deux pharmakoi, l’un avec un 
collier de figues blanches, l’autre avec un collier de figues noires. 
Tous deux sont expulsés de la ville.

Il existe un autre rituel, très célèbre : celui du bouc émissaire dans 
le Lévitique :

Lv 16,8-10
8 Aaron tirera les sorts pour les deux boucs : un sort “Pour le 
Seigneur” et un sort “Pour Azazel.”
9 Aaron présentera le bouc sur lequel est tombé le sort “Pour le 
Seigneur” et en fera un sacrifice pour la faute.
10 Quant au bouc sur lequel est tombé le sort “Pour Azazel”, on le 
placera vivant devant le Seigneur afin d’accomplir sur lui le rite 
d’expiation, en l’envoyant vers Azazel, dans le désert.

Lv 16,20-22
20 Une fois achevé le rite d’expiation du sanctuaire, de la tente de la 
Rencontre et de l’autel, Aaron fera approcher le bouc vivant.
21 Il posera ses deux mains sur la tête du bouc vivant et il prononcera 
sur celui-ci tous les péchés des fils d’Israël, toutes leurs 
transgressions et toutes leurs fautes ; il en chargera la tête du bouc, 
et il le remettra à un homme préposé qui l’emmènera au désert.
22 Ainsi le bouc emportera sur lui tous leurs péchés dans un lieu 
solitaire. Quand le bouc aura été emmené au désert,

L’expulsion ou le lynchage du bouc émissaire purge la société du mal qui 
la déchire. Et comme on le voit les Grecs, les Hébreux, les hermétistes 
et les francs-maçons ont parfois des rituels très similaires. Mais le 
caractère sacrificiel apparaît toujours plus nettement chez les Hébreux 
ou les Grecs que chez les Occidentaux fourbes et chafouins !