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From: Paul & Mick Victor <b.suisseVotreculotte@gmail.com>
Newsgroups: fr.rec.arts.musique.classique
Subject: Re: Rachel Blanquet ??
Date: Sat, 12 Aug 2023 03:00:07 +0700
Organization: <https://pasdenom.info/news.html>
Message-ID: <ub640a$gsd$1@rasp.pasdenom.info>
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Lines: 273

Ad Musicam avait énoncé :
> ( ah les mots...et ce que 
> l'on capable d'en faire...), je retourne écouter Dukas et Rachel Blanquer.

Ben oui, hélas, ce ne sont que des mots. Très bien choisis et agencés, 
certes, mais qui laissent tout de même le lecteur sur sa faim.

Ce qu'il faut faire : numériser ce disque ancien et le mettre en ligne 
sur Youtube ou autre plateforme de partage. Ainsi, nous pourrons juger 
sur pièce et voir si les mots correspondent aux sons.

Car cette remarque "ah les mots, et ce que l'on est capable d'en faire" 
ouvrent une autre problématique, ô combien passionnante : comment 
parler de la musique ? et tout simplement : peut-on parler de la 
musique ? Peut-on faire coïncider, ou au moins se rapprocher ces deux 
moyens d'expression ? Peut-on envisager quelque mystérieuse fusion 
synesthésique entre ces deux langages ? Quelque improbable émulsion 
type mayonnaise entre une substance verbale huileuse et une substance 
musicale aqueuse (les pianos aqueux sont ceux qu'on a laissés dehors 
sous l'orage) ? La musique est-elle soluble dans la parole, et lycée de 
Versailles ?

Il y a bien longtemps (2001, ça ne nous rajeunit pas), ici même, je 
m'étais amusé à imaginer la critique - ou le compte rendu - de l'oeuvre 
imaginaire d'un compositeur contemporain. Ça donnait ça :

"L'oeuvre de Salvatore Sciarrino (je prends celui-là au pif, je ne 
connais pas), délicieusement lisse et toute baignée des réminiscences 
d'une immersion quasi prénatale, s'ingénie à nous distiller la liqueur 
de l'infinie patience seulement zébrée parfois de fulgurances 
exacerbées. Nul vertige pourtant dans ces irisations instrumentales, à 
peine la conscience y est-elle fugitivement égratignée. Ne nous y 
trompons pas : il y a quelque chose d'initiatique dans ce cortège 
sonore aux vertus incantatoires. Tout au long de ce disque, aux confins 
d'un univers marmoréen, Salvatore Sciarrino déploie une chatoyante voie 
lactée, seulement hérissée ça et là d'un éclat d'ambre ou de 
porphyre... Un petit jeune qui ira loin. 149 francs chez tous les bons 
disquaires."

Du blabla, du baratin prétentieux qu'on pourrait appliquer à n'importe 
quelle oeuvre contemporaine.

Comme le sujet me turlupine (de cheval) depuis toujours, car il 
concerne mes deux passions, la musique et la littérature, j'ai récidivé 
en 2014 en postant une admirable contribution intitulée "Parler la 
musique". Je la reproduit ici in extenso, tant pis pour vous :

"La musique n'exerce toute sa grande puissance que parmi des gens 
auxquels il est impossible ou interdit de discuter. (...) Ce sont les 
âmes proprement musicales. Les Grecs, peuple loquace et querelleur, 
n'ont pour cette raison toléré la musique qu'à titre d'assaisonnement 
des arts sur lesquels on peut réellement discuter et disputer, alors 
que sur la musique on peut à peine penser honnêtement. Les 
pythagoriciens, ces Grecs exceptionnels sur bien des points, étaient 
aussi, à ce qu'on rapporte, de grands musiciens: ceux-là mêmes qui 
inventèrent le silence de cinq ans, mais non la dialectique."

Nietzsche, l'auteur de ce texte, ne serait évidemment pas venu sur 
framc pour trouver les "âmes proprement musicales", puisque, d'après 
lui, ce sont justement celles qui évitent la discussion et la dispute, 
deux ingrédients sans lesquels un forum n'a guère de raison d'être. Les 
Framciens l'ont largement démontré : ils sont loquaces et souvent 
querelleurs.

La charte du forum, qui n'est plus publiée depuis belle lurette, 
indiquait : "Les discussions attendues porteront de façon 
non-exhaustive sur les compositeurs, les interprètes, les oeuvres, les 
disques, les partitions et leur édition, les concerts, les festivals, 
les instruments et leur facture, dans le cadre de la musique dite 
classique. (Musique savante occidentale, du début des âges jusqu'à 
notre siècle)." c'est-à-dire, au fond, non pas sur la musique 
elle-même, sur son essence, mais sur ses satellites, ses supports, son 
histoire, ses techniques, ses représentations, son exploitation. Car 
s'il est possible de parler "de la" musique, il est bien difficile, 
voire impossible, de parler "la" musique. On peut discuter des heures 
sur la technique d'un ténor, d'une soprano, sur la qualité d'un 
répertoire, sur la pertinence d'un tempo ou la justesse d'une 
interprétation. Lorsqu'il s'agit de communiquer la texture, la pâte 
même du timbre de ce chanteur, ou seulement l'émotion intime ressentie 
au détour d'une phrase musicale, on reste silencieux. C'est du domaine 
de l'ineffable. Cela ne se transmet pas, ou alors, éventuellement, par 
un discours poétique. "Writing about music is like dancing about 
architecture." - écrire sur la musique est comme danser sur 
l'architecture, c'est du moins ce que disait Frank Zappa.

Au hasard des pages Internet, je suis tombé ce texte : "Il y a toujours 
dans la pratique musicale quelque chose d'indéfinissable qui fait des 
discussions entre musiciens un échange vain, presque stupide, comme 
s'il n'y avait rien à échanger de plus que ce qu'on a partagé 
musicalement. Soit le discours sur la musique est un discours 
musicologique, technique, aride ; soit il ressemble à un brouhaha 
d'impressions mal définies comme "C'était d'enfer", "Je me suis 
éclaté", etc. Or ce qui est remarquable, c'est que ces expressions 
floues sont comprises par l'ensemble des musiciens en présence : tous 
sentent que le langage peine à transcrire le moment musical et 
pourtant, tous comprennent exactement ce que l'on cherche à dire. La 
communication du moment musical ne semble alors pouvoir s'établir 
qu'entre musiciens, c'est-à-dire uniquement au sein d'une communauté de 
personnes rassemblées par la même expérience qui est celle de la 
musique. Si nous parlons ici en particulier de l'expé�rience de la 
musique comme pratique de jeu, nous n'excluons pas le discours sur la 
musique tenu par les auditeurs et qui ressemble encore étrangement à un 
discours abstrus. (Cécile Roux - La généalogie allemande de 
l'esthétique musical de Nietzsche - Mémoire de Master).
http://tinyurl.com/ne2dxrr

Cécile Roux est jeune, et l'on imagine que les musiciens de l'Opéra ou 
de l'Orchestre de Paris ne sortent pas du concert en échangeant des 
"C'était d'enfer" ou "Je me suis éclaté", mais il est probable que 
leurs réflexions ne diffèrent que sur la forme, et que le fond reste 
peu ou prou le même.

Curieuses, parfois, les réflexions de musiciens... Dans Prova 
d'Orchestra, le court-métrage de Fellini, un musicien s'esclaffe en 
jouant sa partie. Lorsque le chef lui demande ce qui le fait rire, il 
explique : parce que c'est drôle. Vous ne trouvez pas que c'est drôle, 
ce passage ? Et il joue quelques notes d'une phrase musicale tout à 
fait banale, mais qui semble lui paraître le sommet de l'humour et du 
comique.

Il y a actuellement sur France-Info une émission intitulée "Ils sont 
les yeux, vous êtes les oreilles". Le principe est simple : trois ou 
quatre visiteurs du Musée du Louvre sont invités à décrire un même 
tableau, à faire part de leurs impressions, de leurs émotions, parfois 
de leurs surprises. À l'auditeur de trouver de quel tableau il s'agit. 
Ce n'est pas très difficile (à condition de connaître le tableau, bien 
sûr), d'autant qu'il s'agit évidemment de tableaux figuratifs. Ce 
serait sans doute un peu plus délicat avec des oeuvres abstraites. Si 
j'écris : "C'est le portrait d'une jeune femme, sur fond d'un paysage 
montagneux aux horizons lointains et brumeux. Elle porte une robe 
sombre et, sur la tête, un voile noir transparent. Son visage est 
totalement épilé et ne présente ni cils, ni sourcils. Elle est assise 
sur un fauteuil dont on aperçoit le dossier à droite du tableau. Ses 
mains blanches sont croisées, posées sur un bras du fauteuil.", vous 
aurez déjà votre opinion. Si j'ajoute : "Elle semble me regarder sans 
me voir, avec une petite moue qui pourrait être une esquisse de sourire 
- dédaigneux ? détaché ? absent ? en tout cas, bien énigmatique..." 
vous n'aurez plus aucun doute, tout le monde a reconnu la Joconde.

Mais peut-on faire pareil avec la musique ? Est-il possible de 
"décrire" la musique, de façon à communiquer au lecteur une impression 
sonore par le vecteur des mots ? Peut-on reconnaître l'oeuvre ainsi 
décrite par Liszt : "C'est au commencement une large nappe dormante de 
mélodie, un éther vaporeux qui s'étend, pour que le tableau sacré s'y 
dessine à nos yeux profanes ; effet exclusivement confié aux violons, 
divisés en huit pupitres différents, qui, après plusieurs mesures de 
sons harmoniques, continuent dans les plus hautes notes de leurs 
registres. Le motif est ensuite repris par les instruments à vent les 
plus doux ; les cors et les bassons, en s'y joignant, préparent 
l'entrée des trompettes et des trombones, qui répètent la mélodie pour 
la quatrième fois, avec un éclat éblouissant de coloris, comme si dans 
cet instant unique l'édifice saint avait brillé devant nos regards 
aveuglés, dans toute sa magnificence lumineuse et radiante. Mais le vif 
étincellement, amené par degrés à cette intensité de rayonnement 
solaire, s'éteint avec rapidité, comme une lueur céleste. La 
transparente vapeur des nuées se referme, la vision disparaît peu è peu 
dans le même encens diapré au milieu duquel elle est apparue, et le 
morceau se termine par les premières six mesures, devenues plus 
éthérées encore. Son caractère d'idéale mysticité est surtout rendu 
sensible par le pianissimo toujours conservé dans l'orchestre, et 
qu'interrompt à peine le court moment où les cuivres font resplendir 
les merveilleuses lignes du seul motif de cette introduction. Telle est 
l'image qui, à l'audition de ce sublime adagio, se présente d'abord à 
nos sens émus."

On garde une impression d'ensemble, une atmosphère mystique, on imagine 
un pianissimo de violons qui s'enfle dans un long et grand crescendo, 
renforcé par l'intervention des bois, puis des cuivres, un point 
culminant intense qui unit tout l'orchestre, et une extinction dans un 
diminuendo rapide qui nous ramène au thème pianissimo initial. Pas sûr 
qu'on reconnaisse précisément l'ouverture de Tannhäuser. Mais Liszt 
triche un peu. Il procède par images, par synesthésie. Les sons 
deviennent lumière, couleurs, étincellement, rayonnement, transparente 
vapeur, nappe dormante, éclat éblouissant de coloris. La musique se 
visualise, et même se géographise. On est tout autant dans une oeuvre 
musicale que dans une oeuvre picturale.

Et si je l'entendais, reconnaîtrais-je la sonate de Vinteuil qui avait 
tant séduit Swan ? "D’abord, il n’avait goûté que la qualité matérielle 
des sons sécrétés par les instruments. Et ç’avait déjà été un grand 
plaisir quand, au-dessous de la petite ligne du violon, mince, 
========== REMAINDER OF ARTICLE TRUNCATED ==========