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Path: ...!weretis.net!feeder8.news.weretis.net!pasdenom.info!.POSTED.49.228.41.54!not-for-mail From: Paul & Mick Victor <b.suisseVotreculotte@gmail.com> Newsgroups: fr.rec.arts.musique.classique Subject: Re: Rachel Blanquet ?? Date: Sat, 12 Aug 2023 03:00:07 +0700 Organization: <https://pasdenom.info/news.html> Message-ID: <ub640a$gsd$1@rasp.pasdenom.info> References: <f1bcfca7-9fc9-4593-91c3-b441708143f7n@googlegroups.com> <c1752f9c-ef62-403b-90ce-fd1a90256c77n@googlegroups.com> <ub4meh$vrv$1@rasp.pasdenom.info> <827021ff-5214-4c5d-84fa-8c696559220an@googlegroups.com> Mime-Version: 1.0 Content-Type: text/plain; charset="utf-8"; format=flowed Content-Transfer-Encoding: 8bit Injection-Date: Fri, 11 Aug 2023 20:00:10 -0000 (UTC) Injection-Info: rasp.pasdenom.info; posting-account="b.suisse@usenet"; posting-host="49.228.41.54"; logging-data="17293"; mail-complaints-to="abuse@pasdenom.info" Cancel-Lock: sha256:FhloPqd4zocuCe3knzHYZfmafHG9lw/UF/AHTWWn0y8= X-Newsreader: MesNews/1.08.06.00 Bytes: 17542 Lines: 273 Ad Musicam avait énoncé : > ( ah les mots...et ce que > l'on capable d'en faire...), je retourne écouter Dukas et Rachel Blanquer. Ben oui, hélas, ce ne sont que des mots. Très bien choisis et agencés, certes, mais qui laissent tout de même le lecteur sur sa faim. Ce qu'il faut faire : numériser ce disque ancien et le mettre en ligne sur Youtube ou autre plateforme de partage. Ainsi, nous pourrons juger sur pièce et voir si les mots correspondent aux sons. Car cette remarque "ah les mots, et ce que l'on est capable d'en faire" ouvrent une autre problématique, ô combien passionnante : comment parler de la musique ? et tout simplement : peut-on parler de la musique ? Peut-on faire coïncider, ou au moins se rapprocher ces deux moyens d'expression ? Peut-on envisager quelque mystérieuse fusion synesthésique entre ces deux langages ? Quelque improbable émulsion type mayonnaise entre une substance verbale huileuse et une substance musicale aqueuse (les pianos aqueux sont ceux qu'on a laissés dehors sous l'orage) ? La musique est-elle soluble dans la parole, et lycée de Versailles ? Il y a bien longtemps (2001, ça ne nous rajeunit pas), ici même, je m'étais amusé à imaginer la critique - ou le compte rendu - de l'oeuvre imaginaire d'un compositeur contemporain. Ça donnait ça : "L'oeuvre de Salvatore Sciarrino (je prends celui-là au pif, je ne connais pas), délicieusement lisse et toute baignée des réminiscences d'une immersion quasi prénatale, s'ingénie à nous distiller la liqueur de l'infinie patience seulement zébrée parfois de fulgurances exacerbées. Nul vertige pourtant dans ces irisations instrumentales, à peine la conscience y est-elle fugitivement égratignée. Ne nous y trompons pas : il y a quelque chose d'initiatique dans ce cortège sonore aux vertus incantatoires. Tout au long de ce disque, aux confins d'un univers marmoréen, Salvatore Sciarrino déploie une chatoyante voie lactée, seulement hérissée ça et là d'un éclat d'ambre ou de porphyre... Un petit jeune qui ira loin. 149 francs chez tous les bons disquaires." Du blabla, du baratin prétentieux qu'on pourrait appliquer à n'importe quelle oeuvre contemporaine. Comme le sujet me turlupine (de cheval) depuis toujours, car il concerne mes deux passions, la musique et la littérature, j'ai récidivé en 2014 en postant une admirable contribution intitulée "Parler la musique". Je la reproduit ici in extenso, tant pis pour vous : "La musique n'exerce toute sa grande puissance que parmi des gens auxquels il est impossible ou interdit de discuter. (...) Ce sont les âmes proprement musicales. Les Grecs, peuple loquace et querelleur, n'ont pour cette raison toléré la musique qu'à titre d'assaisonnement des arts sur lesquels on peut réellement discuter et disputer, alors que sur la musique on peut à peine penser honnêtement. Les pythagoriciens, ces Grecs exceptionnels sur bien des points, étaient aussi, à ce qu'on rapporte, de grands musiciens: ceux-là mêmes qui inventèrent le silence de cinq ans, mais non la dialectique." Nietzsche, l'auteur de ce texte, ne serait évidemment pas venu sur framc pour trouver les "âmes proprement musicales", puisque, d'après lui, ce sont justement celles qui évitent la discussion et la dispute, deux ingrédients sans lesquels un forum n'a guère de raison d'être. Les Framciens l'ont largement démontré : ils sont loquaces et souvent querelleurs. La charte du forum, qui n'est plus publiée depuis belle lurette, indiquait : "Les discussions attendues porteront de façon non-exhaustive sur les compositeurs, les interprètes, les oeuvres, les disques, les partitions et leur édition, les concerts, les festivals, les instruments et leur facture, dans le cadre de la musique dite classique. (Musique savante occidentale, du début des âges jusqu'à notre siècle)." c'est-à-dire, au fond, non pas sur la musique elle-même, sur son essence, mais sur ses satellites, ses supports, son histoire, ses techniques, ses représentations, son exploitation. Car s'il est possible de parler "de la" musique, il est bien difficile, voire impossible, de parler "la" musique. On peut discuter des heures sur la technique d'un ténor, d'une soprano, sur la qualité d'un répertoire, sur la pertinence d'un tempo ou la justesse d'une interprétation. Lorsqu'il s'agit de communiquer la texture, la pâte même du timbre de ce chanteur, ou seulement l'émotion intime ressentie au détour d'une phrase musicale, on reste silencieux. C'est du domaine de l'ineffable. Cela ne se transmet pas, ou alors, éventuellement, par un discours poétique. "Writing about music is like dancing about architecture." - écrire sur la musique est comme danser sur l'architecture, c'est du moins ce que disait Frank Zappa. Au hasard des pages Internet, je suis tombé ce texte : "Il y a toujours dans la pratique musicale quelque chose d'indéfinissable qui fait des discussions entre musiciens un échange vain, presque stupide, comme s'il n'y avait rien à échanger de plus que ce qu'on a partagé musicalement. Soit le discours sur la musique est un discours musicologique, technique, aride ; soit il ressemble à un brouhaha d'impressions mal définies comme "C'était d'enfer", "Je me suis éclaté", etc. Or ce qui est remarquable, c'est que ces expressions floues sont comprises par l'ensemble des musiciens en présence : tous sentent que le langage peine à transcrire le moment musical et pourtant, tous comprennent exactement ce que l'on cherche à dire. La communication du moment musical ne semble alors pouvoir s'établir qu'entre musiciens, c'est-à-dire uniquement au sein d'une communauté de personnes rassemblées par la même expérience qui est celle de la musique. Si nous parlons ici en particulier de l'expé�rience de la musique comme pratique de jeu, nous n'excluons pas le discours sur la musique tenu par les auditeurs et qui ressemble encore étrangement à un discours abstrus. (Cécile Roux - La généalogie allemande de l'esthétique musical de Nietzsche - Mémoire de Master). http://tinyurl.com/ne2dxrr Cécile Roux est jeune, et l'on imagine que les musiciens de l'Opéra ou de l'Orchestre de Paris ne sortent pas du concert en échangeant des "C'était d'enfer" ou "Je me suis éclaté", mais il est probable que leurs réflexions ne diffèrent que sur la forme, et que le fond reste peu ou prou le même. Curieuses, parfois, les réflexions de musiciens... Dans Prova d'Orchestra, le court-métrage de Fellini, un musicien s'esclaffe en jouant sa partie. Lorsque le chef lui demande ce qui le fait rire, il explique : parce que c'est drôle. Vous ne trouvez pas que c'est drôle, ce passage ? Et il joue quelques notes d'une phrase musicale tout à fait banale, mais qui semble lui paraître le sommet de l'humour et du comique. Il y a actuellement sur France-Info une émission intitulée "Ils sont les yeux, vous êtes les oreilles". Le principe est simple : trois ou quatre visiteurs du Musée du Louvre sont invités à décrire un même tableau, à faire part de leurs impressions, de leurs émotions, parfois de leurs surprises. À l'auditeur de trouver de quel tableau il s'agit. Ce n'est pas très difficile (à condition de connaître le tableau, bien sûr), d'autant qu'il s'agit évidemment de tableaux figuratifs. Ce serait sans doute un peu plus délicat avec des oeuvres abstraites. Si j'écris : "C'est le portrait d'une jeune femme, sur fond d'un paysage montagneux aux horizons lointains et brumeux. Elle porte une robe sombre et, sur la tête, un voile noir transparent. Son visage est totalement épilé et ne présente ni cils, ni sourcils. Elle est assise sur un fauteuil dont on aperçoit le dossier à droite du tableau. Ses mains blanches sont croisées, posées sur un bras du fauteuil.", vous aurez déjà votre opinion. Si j'ajoute : "Elle semble me regarder sans me voir, avec une petite moue qui pourrait être une esquisse de sourire - dédaigneux ? détaché ? absent ? en tout cas, bien énigmatique..." vous n'aurez plus aucun doute, tout le monde a reconnu la Joconde. Mais peut-on faire pareil avec la musique ? Est-il possible de "décrire" la musique, de façon à communiquer au lecteur une impression sonore par le vecteur des mots ? Peut-on reconnaître l'oeuvre ainsi décrite par Liszt : "C'est au commencement une large nappe dormante de mélodie, un éther vaporeux qui s'étend, pour que le tableau sacré s'y dessine à nos yeux profanes ; effet exclusivement confié aux violons, divisés en huit pupitres différents, qui, après plusieurs mesures de sons harmoniques, continuent dans les plus hautes notes de leurs registres. Le motif est ensuite repris par les instruments à vent les plus doux ; les cors et les bassons, en s'y joignant, préparent l'entrée des trompettes et des trombones, qui répètent la mélodie pour la quatrième fois, avec un éclat éblouissant de coloris, comme si dans cet instant unique l'édifice saint avait brillé devant nos regards aveuglés, dans toute sa magnificence lumineuse et radiante. Mais le vif étincellement, amené par degrés à cette intensité de rayonnement solaire, s'éteint avec rapidité, comme une lueur céleste. La transparente vapeur des nuées se referme, la vision disparaît peu è peu dans le même encens diapré au milieu duquel elle est apparue, et le morceau se termine par les premières six mesures, devenues plus éthérées encore. Son caractère d'idéale mysticité est surtout rendu sensible par le pianissimo toujours conservé dans l'orchestre, et qu'interrompt à peine le court moment où les cuivres font resplendir les merveilleuses lignes du seul motif de cette introduction. Telle est l'image qui, à l'audition de ce sublime adagio, se présente d'abord à nos sens émus." On garde une impression d'ensemble, une atmosphère mystique, on imagine un pianissimo de violons qui s'enfle dans un long et grand crescendo, renforcé par l'intervention des bois, puis des cuivres, un point culminant intense qui unit tout l'orchestre, et une extinction dans un diminuendo rapide qui nous ramène au thème pianissimo initial. Pas sûr qu'on reconnaisse précisément l'ouverture de Tannhäuser. Mais Liszt triche un peu. Il procède par images, par synesthésie. Les sons deviennent lumière, couleurs, étincellement, rayonnement, transparente vapeur, nappe dormante, éclat éblouissant de coloris. La musique se visualise, et même se géographise. On est tout autant dans une oeuvre musicale que dans une oeuvre picturale. Et si je l'entendais, reconnaîtrais-je la sonate de Vinteuil qui avait tant séduit Swan ? "D’abord, il n’avait goûté que la qualité matérielle des sons sécrétés par les instruments. Et ç’avait déjà été un grand plaisir quand, au-dessous de la petite ligne du violon, mince, ========== REMAINDER OF ARTICLE TRUNCATED ==========