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From: Paul & Mick Victor <b.suisseVotreculotte@gmail.com>
Newsgroups: fr.rec.arts.musique.classique
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Date: Sat, 30 Sep 2023 06:32:46 +0700
Organization: <https://pasdenom.info/news.html>
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Injection-Date: Fri, 29 Sep 2023 23:32:48 -0000 (UTC)
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X-Newsreader: MesNews/1.08.06.00
Bytes: 3498
Lines: 41

[I. comme Interprétation] :

L’interprétation, ce mot-valise, a bon dos. Cache-misère, refuge du 
sentimentalisme à bas prix, produit lustrant, on trouve derrière cette 
appellation un fatras d’artifices dont le compositeur est la première 
victime.
Chopin, à cet égard, en sait quelque chose, lui qui a consacré 
l’essentiel de son œuvre au piano. Ayant pourtant défini une manière de 
« chanter » sa musique en inventant le rubato, ses phrases immortelles 
et universelles ont été la proie de quantité d’interprètes qui se sont 
arrogé le droit d’étirer ses chants sublimes, de se servir de sa 
musique comme d’un miroir et de se parer du costume d’interprète en 
considérant son œuvre comme un faire-valoir.
Pendant des décennies, Chopin a été malmené, son âme transgressée, lui 
dont les lignes courbes ne sont que pureté, sans la moindre surcharge 
harmonique, d’une évidence telle que sa musique s’est imprégnée dans le 
cœur et la mémoire de tant de pianistes de tout niveau et de tant 
d’auditeurs de tout temps, il a pourtant subi les assauts de quelques 
cadors sans scrupules qui n’ont eu de cesse que de s’approprier son art 
en l’abîmant et en le meurtrissant. Il a fallu alors toute la noblesse 
de grands pianistes, dont Arthur Rubinstein, pour lentement éradiquer 
ces mauvaises manières et rendre à Chopin ce que nous lui devons tous : 
le respect de son génie.
Preuve hélas que le danger est toujours tapi dans l’ombre : sous les 
effets conjugués de la communication à outrance et d’un marketing qui 
fait la loi, on voit resurgir toute sorte d’excès, de contorsion, de 
disruption dans le traitement infligé à la musique. On dirait un sauve 
qui peut ! Comme si certains décideurs, agents périphériques d’un art 
qu’ils craignent de voir disparaître avec eux, inventaient des formules 
désespérées avant de sombrer. La musique se conceptualise, on se 
déboutonne pour elle (elle en rougit de honte, parfois), on se vend au 
plus offrant par le biais de l’image et des réseaux sociaux. Le goût 
musical change de nature : on y puise de quoi se valoriser.
Mais au nom de quoi peut-on se permettre de telles transgressions, de 
tels sacrilèges ? Les notes et les indications de ces compositeurs 
géniaux ne vous suffisent donc pas ?
Ah oui, j’oubliais, c’est pour plaire, pour vendre.

Jean-Philippe Collard : Chemins de musique. Alma Nuvis Éditions, 2020.
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Paul & Mick Victor
Cador sans scrupule