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From: Paul & Mick Victor <b.suisseVotreculotte@gmail.com>
Newsgroups: fr.rec.arts.musique.classique
Subject: Des mots, des notes. T. comme Transgression
Date: Wed, 11 Oct 2023 19:39:11 +0700
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X-Newsreader: MesNews/1.08.06.00
Bytes: 3950
Lines: 48

[T. comme Transgression] :

"En ce temps-là, notre musique était divisée en plusieurs espèces et 
figures. Il y avait d'abord une espèce de chants qui étaient des 
prières aux dieux et qu'on appelait hymnes. Il y en avait une autre 
opposée à celle-là, qui portait le nom spécial de thrène, puis une 
troisième, les péans, et une quatrième, je crois, où l'on célébrait la 
naissance de Dionysos et qu'on appelait dithyrambe, et l'on donnait le 
nom même de nome à une autre espèce de dithyrambe que l'on qualifiait 
de citharédique. Ces chants-là et certains autres ayant été réglés, il 
n'était pas permis d'user d'une espèce de mélodie pour une autre 
espèce. On ne s'en remettait pas, comme à présent, pour reconnaître la 
valeur d'un chant et juger et punir ensuite ceux qui s'écartaient de la 
règle, à une foule ignorante qui sifflait et poussait des cris ou qui 
applaudissait, mais aux gens désignés pour cela par leur science de 
l'éducation. Ils écoutaient en silence jusqu'à la fin, et, la baguette 
à la main, ils admonestaient les enfants, leurs gouverneurs et le gros 
de la foule et faisaient régner l'ordre. Les citoyens se laissaient 
ainsi gouverner paisiblement et n'osaient porter leur jugement par une 
acclamation tumultueuse. Les poètes furent les premiers qui, avec le 
temps, violèrent ces règles. Ce n'est pas qu'ils manquassent de talent, 
mais, méconnaissant les justes exigences de la Muse et l'usage, ils 
s'abandonnèrent à un enthousiasme insensé et se laissèrent emporter 
trop loin par le sentiment du plaisir. Ils mêlèrent les thrènes avec 
les hymnes, les péans avec les dithyrambes, ils imitèrent sur la flûte 
le jeu de la cithare et, confondant tout pêle-mêle, ils ravalèrent 
inconsciemment la musique et poussèrent la sottise jusqu'à croire 
qu'elle n'avait pas de valeur intrinsèque et que le plaisir de celui 
qui la goûte, qu'il soit bon ou méchant, est la règle la plus sûre pour 
en bien juger. En composant des poèmes suivant cette idée et en y 
ajoutant des paroles conformes, ils inspirèrent à la multitude le 
mépris des usages et l'audace de juger comme si elle en était capable. 
En conséquence les théâtres, muets jusqu'alors, élevèrent la voix comme 
s'ils étaient connaisseurs en beautés et en laideurs musicales, et 
l'aristocratie céda la place dans la ville à une méchante 
théatrocratie. Encore si la démocratie ne renfermait que des hommes 
libres, le mal n'aurait pas été si terrible, mais le désordre passa de 
la musique à tout le reste, chacun se croyant capable de juger de tout, 
et amena à sa suite un esprit d'indépendance ; on jugea de tout sans 
crainte, comme si on s'entendait à tout, et l'absence de crainte 
engendra l'impudence ; car pousser l'audace jusqu'à ne pas craindre 
l'opinion d'un meilleur que soi, c'est ce qu'on peut appeler une 
méchante impudence, et c'est l'effet d'une liberté excessive."

Platon : Les Lois. Chapitre III. Traduction Émile Chambry. Classiques 
Garnier, 1922.
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Paul & Mick Victor
C'était mieux avant