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Subject: Re: L ' Aziza
From: MELMOTH <theomonk@free.fr>
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Date: Tue, 21 Jun 2022 17:16:52 +0200
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Dans son message précédent, Olivier Miakinen a écrit :
> Tu sembles avoir un intérêt particulier pour le jazz. Est-ce que tu
> ne pourrais pas du coup tenter de faire un peu vivre ce groupe, en
> partageant d'autres découvertes que cette excellente Aziza ?

Vu l'état de moribonderie profonde des forums musique (classique et 
jazz), Je M'en vas vous raconter (en plusieurs épisodes) 
l'extraordinaire histoire du BEBOP...

Philippe Carles disait :«BeBop : onomatopée dérivée d'une figure de 
batterie servant à désigner un style musical né vers 1944 à New York.»

À l'endroit de ce terme, "le bebop", on a bien aussi parlé de ce genre 
vocal mis en honneur après 1925 par Louis ARMSTRONG, le SCAT. 
D'ailleurs, ce terme figurait déjà dans quelques vieilles cires de la 
fin des années 1920, du début des années 1930 (Four or five times par 
les McKinney's Cotton Pickers...Ou bien I'see a mugin, par Stuff SMITH, 
Mezz MEZZROW et le Quintette du Hot Club de France)...
Quant à elle, la définition ci-dessus, qui possède le mérite de la 
concision, nous mène sans trop en avoir l'air, comme en toute 
innocence, à l'orée d'un monde nouveau (mais pas d'un "autre monde"). 
Un nouveau monde aux forts parfums, ironiques, désespérés, parfois 
vénéneux, concoctés lentement et sûrement par les vieilles taupes 
conjuguées de la révolte en marche et de la nécessité intrinsèque au 
jazz lui-même...Un nouveau monde issu d'un ancien qui, près de 40 ans 
plus tard, ne semblera pas avoir pris la moindre ride, parce que 
heureusement, la révolte est toujours là !...La nécessité aussi !...

ÉVOLUTION - RÉVOLUTION

Pour beaucoup révolution pure et dure (lesquels n'avaient assurément 
pas tort !), le bop représenta pour d'autres (et parfois c'étaient les 
mêmes !), le résultat d'une évolution interne du jazz, elle-même 
déterminée pour une bonne part par les contextes sociaux, politiques et 
historiques dans lequel celui-ci se développait.
Ainsi (un exemple), Boris VIAN (pour qui le bop était une réalité 
mouvante et multiforme), put-il, dans l'une de ses nombreuses "revues 
de presse" (n'oublions pas qu'il était aussi journaliste au magazine 
"Jazz Hot entre autres), à l'endroit d'un adversaire du bop aussi obtus 
qu'irréductible, et qui prétendait que «il est impossible qu'une 
évolution soit soudaine et rompe brûtalement avec le passé, comme ça 
été le cas avec le bop», répondre : «C'est manifestement faux ; on sait 
bien qu'on trouve rigoureusement tous les intermédiaires entre King 
OLIVER et Dizzie GILLESPIE, pour ne citer que ces deux-là, ou même 
entre Buddy BOLDEN et Miles DAVIS.»

Évolution ?...Révolution ?...Deux points de vue apparemment 
inconciliables, mais en fin de compte complémentaires. Le bebop, de 
toute évidence, n'a pas surgi ex-nihilo !...N'a pas fondu comme un 
virus sur les pauvres "vrais jazzmen" !...Ainsi qu'a tendu à le faire 
croire, voici une trentaine d'années, la métaphysique malsaine imaginée 
par des adversaires acharnés...Pour qui le noir était toujours un bon 
noir...À condition qu'il ne sorte pas des pauvres schémas douillets 
dans lesquels on l'avait une fois pour toutes emprisonné...
Pour eux, un ouvrier est toujours un "bon ouvrier", n'est-ce pas...Du 
moment qu'il n'est ni gréviste ni syndiqué !...Le bop est donc le fruit 
mûr et juteux d'un certain nombre de découvertes antérieures (qui ne 
furent du reste pas toujours appréhendées comme des découvertes en leur 
temps et demeurèrent éparses et embryonnaires). Et cependant le bebop, 
aussi, marqua une sorte de franche cassure, affirmée et révendiquée par 
ses inventeurs...

Là chère Philosophie, dans son infinie sagesse (!), a longtemps 
enseigné que la liberté sortait toujours de la nécessité (ça, ce n'est 
pas de Moi !)...Que celle-ci ne se concevait jamais que dans son 
rapport à celle-là....Liberté en actes, le bop ne peut exister que dans 
la reprise, la compréhension de ce qui l'a précédé, et son dépassement.
Si on préfère, le bebop est une musique libre, révolutionnaire, 
parcequ'il est la /résultante d'un long cheminement, de toute une 
tradition qu'il assume et réalise en dépassant cette putain de 
Philosophie. Simple question d'éclairage, voilà tout. VIAN - toujours 
lui - attaché à affirmer l'existence des maillons intermédiaires, 
pouvait sans se contredire se moquer de la conception linéaire de 
l'évolution !...

[Fin du premier épisode, Mes gueux (Victor®)]...

«...Saluons le chorus de GILLESPIE dans Algo Bueno : il tient, par la 
filière habituelle, du neveu de Pépin-le-Bref qui l'avait retrouvé sur 
une fresque étrusqueimportée 8000 ans avant l'Ère chrétienne par 
l'Empereur du Mexique à la demande de sa grand-mère qui se souveneait 
de l'avoir entendu etc..»...
Issu d'une tradition, venant naturellement s'inscrire dans la logique 
de cette dernière, le bebop est simple évolution. Mais conscient qu'il 
est de son existence, affirmant celle-ci farouchement, conscient de ne 
pouvoir être réduit à l'un des éléments hérités ou même à la somme de 
ceux-ci, le bebop, par l'acte libre de volonté de ses créateurs à se 
proclamer autre (acte sans cesse réaffirmé, aussi bien dans la musique 
elle-même que dans xhaque circonstance de la vie - acte visant donc, 
non seulement à remettre en cause une simple forme ou une esthétique, 
mais également les fondements même de la société qui les a engendrées), 
le bebop est révolution. Les réactionnaires qui ne l'aimaient pas, au 
fond, n'avaient pas tort : ce n'est pas seulement une musique qu'ils 
prétendaient apprécier que le bebop remettait en cause...C'est eux-même 
!...

REPÈRES ÉVENTUELS

Le jazz, dès ses débuts, fut une sorte d'éthique. Le bebop, nouvelle 
étape de ce même jazz aux heures troubles de l'immédiat après-guerre se 
fixa pour but, non de le remplacer par la sienne propre, mais de la 
reprendre en main, de la réactiver, de la redéfinir et de la 
préciser...Les boppers sont bien les héritiers du jazz, mais ils ne 
sont plus tout à fait comme leurs aînés...Nombre des anciens, 
cependant, avant eux, avaient commencé la campagne de salubrité que les 
successeurs reprendront sur une vaste échelle.
Jean Louis GINIBRE disait : «On pouvait croire (dans les années 30) la 
musique négro-américaine sortie du ghetto. En fait, cette situation 
était le produit d'un authentique malentendu. C'est dans la mesure où 
le grand public le confondait avec autre chose que le jazz avait droit 
de cité. Autant dire qu'au sein de la société américaine, il n'était 
qu'un h^te clandestin. Par ailleurs, un nombre croissant de musiciens 
s'inquiétait de voir le jazz se laisser prendre au jeu de sa nouvelle 
respectabilité et s'embourgeoiser».

Les découvertes, le plus souvent isolées, des grands et petits maîtres, 
si elles suscitaient déjà l'enthousiasme, l'admiration de très jeunes 
"Turcs", ne sollicitaient que modérément le public (quelques amateurs 
et critiques chevronnés exceptés). Néanmoins, peu à peu, un courant se 
créa, d'abord souterrain puis à l'air libre, qui se mit à redéfinir les 
règles du jeu...à repousser les limites...à intégrer dans son discours 
en cours de constitition les diverses découvertes, leur conférant ainsi 
leur sens et leur cohérence...

Bon...La suite plus tard...Pas sûr d'ailleurs que vous suivez tous, 
là...Est-ce que vous Me lisez seulement ?!...
Jeposelaquestion©...

À la suite des gravures de ces précurseurs (il y en eut d'ailleurs bien 
d'autres !), il faudrait se pencher en particulier sur quelques uns des 
premiers enregistrements de Mon Pote GILLESPIE, l'un des chefs de file 
du mouvement : King Porter Stomp, son premier solo, enregistré en 1937, 
dans l'orchestre de Teddy HILL, et When Lights are low, une des cires 
les plus illustres réalisées par un des nombreux petits groupes que 
réunissait alors pour le studio Lionel HAMPTON. Outre Dizzy, celui-ci 
comptait trois ténors : HAWKINS, WEBSTER et BERRY (excusez du peu !), 
et Benny CARTER à l'alto, avec Charlie CHRITIAN à la 
guitare...Pfffttt...Le rêve, quoi !...

Tout ceci naturellement afin de mesurer la distance entre l'"avant" et 
l'"après", afin de marquer le passage...Car il faut encore et toujours 
préciser que, loin de rejeter ces dangereux iconoclastes complètement 
dingos, très nombreux furens les "grands" du jazz "classique" à les 
nourrir dans leur sein et à les accepter dans leurs formations 
respectives !...
Ainsi, deux des maîtres de Kansas City, Harlan LEONARD (qui se souvient 
encore de lui...Jeposelaquestion©) et Count BASIE (là, 
Jeneposepluslaquestion©), demandèrent-ils au jeune pianiste et 
arrangeur Tad DAMERON d'orchestrer pour eux quelques thèmes (par ex. 
Good Bait, Dameron Stomp).
Quant à Jess STONE...Andy KIRK...ELLINGTON...Cootie 
WILLIAMS...HAWKINS...Benny CARTER...ARMSTRONG...Earl HINES...Billy 
ECKSTINE...Cab CALLOWAY...Benny GOODMAN...Fletcher HENDERSON...Pour ne 
citer qu'eux, ils virent, de 1935 à 1945, défiler chez eux la fine 
fleur du jazz à venir !...

Avec Lester YOUNG comme figure de proue incontestable...Avec à sa tête 
le génie d'un Charlie PARKER, originaire lui aussi de Kansas city, il 
est évident que le mouvement bop ne pouvait manquer de devoir 
énormément à la musique si particulière pratiquée dans cette ville - 
une musique qui donnait au blues et aux "riffs", ces petites phrases 
mélodico-rythmiques génératrices d'abord de swing destinées à 
accompagner le soliste, mais qui ensuite furent jouées pour 
elles-mêmes, leur importance optimale. Pourtant, ce fut bien à New-York 
(et plus précisément à Harlem, ça va de soi) que tout s'élabora 
réellement. Dans des tas de petites boîtes bien cachées, totalement 
inconnues des hommes du jour et de la rue, mais célébrissimes par et 
pour les musicos, appréciées de quelques rares initiés (Ah !...La 
célèbre et mythique comtesse *Pannonica de Koenigswarter *, chre qui en 
particulier Thelonius et Charlie finirent leur triste carrière)...Nuit 
après nuit...le travail "régulier" terminé, les gens du renouveau se 
rencontrèrent, se reconnurent, se trouvèrent...et trouvèrent !...
Les deux moins oubliés de ces laboratoires furent le MONROE's Uptown 
House et le MINTON's Playhouse, dont le gérant n'était autre que Teddy 
HILL, l'ancien employeur de GILLESPIE...
C'est dans un de ces hauts lieux que fut enregistré sur un sale et 
========== REMAINDER OF ARTICLE TRUNCATED ==========